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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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s’étaient sauvées dans l’espoir de conjurer le sort. Elles étaient sorties de l’enceinte extérieure du château par une porte basse, rarement usitée.
    Hideuse de visage et d’allure, les ongles recourbés telles des serres de rapace, la peau collée aux pommettes saillantes, les yeux petits, rapprochés, profondément engoncés dans des orbites noires, le nez osseux, presque un bec, la créature de leur cauchemar commun les y attendait.
    Sa mère lui avait ordonné de fuir. Fataliste, Celma avait obéi, sans se retourner. C’était inutile. Elle savait ce qui allait arriver. Qu’au petit jour on retrouverait le corps de sa mère, mutilé.
    En pleurs, elle s’était réfugiée dans la forêt des Coulmes.
    C’est ainsi qu’elle avait rejoint les six de la bande de Villon, nouvellement formée. Et que plus tard, grâce à sa propre histoire, Mathieu avait donné un sens aux actes du passé.
    Celma rangea ses runes dans la bourse suspendue à sa ceinture et, d’un pas accéléré, se hâta vers Bertille, livide, qui, à une cinquantaine de pas de là, laissant Jean la disputer pour un point, venait de tourner vers elle un œil épouvanté.
    « De mère en fille », songea Celma. Le don de divination était en elles. Bertille venait de le recevoir.
    La mort allait frapper.
    Un nouveau regard vers l’extérieur. Trouée de lumière aveuglante entre les branches dénudées qui barraient l’entrée. Le flot continu de la rivière. Rien qui justifie de donner l’alerte. Les guetteurs n’avaient pas bougé. Personne ne réagirait. Celma était seule avec sa fille. Seule avec son intuition. Seule avec la camarde, comme autrefois sa mère avant elle.
    Bertille s’était levée. Le visage de Jean allait de l’une à l’autre, hébété. Celma adressa un signe de tête à sa fille, lui fit signe de se hâter vers le fond de la grotte. Il fallait trouver un endroit où se cacher. Conjurer le sort. Peut-être. Réussir là où autrefois elle avait échoué.
    Bertille attrapa la main de Jean, l’entraîna avec autorité.
    Sans courir, Celma s’empressa de les rejoindre.
    Lorsque la douleur vrilla ses omoplates, elle était sur le point d’enfiler le tunnel à son tour. Elle sut pourtant qu’elle n’avait pas été touchée, pas encore. Elle se retourna. Protégeant l’avancée des soldats qui venaient de surgir dans le goulet, les traits fusaient sous la voûte blanche. Des hurlements retentirent. Cris de surprise, d’effroi, de douleur, d’alerte. S’adossant à la paroi humide, Celma se renfonça dans l’obscurité du passage, le cœur battant à tout rompre, la nausée au bord des lèvres.
    Comme Villon et Mathieu, elle ne s’était pas trompée. Suivant de peu le prévôt, Fanette la traîtresse venait d’entrer.
    *
    Il ne fallut que quelques minutes avant que les survivants ne s’agenouillent, mains croisées sur la nuque, ou ne se couchent en hurlant sur les corps sans vie des êtres chers.
    Fanette engloba d’un regard douloureux le massacre qu’elle avait provoqué.
    La jeune mère était morte en même temps que son nouveau-né, soudés par le même trait. L’aïeule aussi, le nez dans son mortier. Deux fillettes gisaient au milieu d’une corolle de tissu. Un jouvenceau avait été cloué au râtelier de bois, la main tendue vers une épée. Des corps se tordaient à terre, piqués de flèches aux jambes, au torse, aux bras. Vieillards, femmes, enfants. Sans exception.
    Fanette s’était attendue à de la haine dans leurs yeux lorsqu’ils la verraient. Elle n’y lisait que de l’incompréhension, de la souffrance.
    Un seul cracha en passant près d’elle. Un des hommes, contraint par une méchante entorse de rester au campement.
    Ce fut lui qu’elle apostropha :
    — Où sont mes fils ?
    — Va au diable !
    Elle détourna les yeux. Laissa les soldats rassembler les blessés, emmener les valides à l’extérieur, Luirieux ouvrir des coffres pour jauger du butin.
    Elle ne voulait pas croire que Jean et Petit Pierre aient suivi leurs pères. Elle s’engouffra sous la courtine qui protégeait les appartements de Celma. Une chandelle brûlait sur un rocher aménagé, inondant de sa lumière l’arc et le baudrier que la devineresse emportait toujours en embuscade. Une rune oubliée craqua sous son soulier. Le cœur de Fanette s’accéléra dans sa poitrine. Celma avait anticipé l’attaque. La connaissant, elle avait dû emmener les trois enfants en sécurité.
    Fanette

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