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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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l’avait prédit son impitoyable maîtresse, lui avait été rendu ce matin avec les lettres de Bayezid, lesquelles avaient fait le tour de ses principaux détracteurs, dont le roi Charles. Toutes précautions ayant été prises, il ne pensait pas que la rumeur atteindrait Djem aussi vite, mais c’était sans compter cette diablesse.
    Un Borgia n’étant jamais pris de court, Alexandre VI écarta ses paumes en signe d’apaisement.
    — Le sultan Bayezid est habile stratège, je ne vous l’apprends pas, mon cher prince. Quelle meilleure tactique pour désorganiser la marche des soldats de Dieu que de prêter à son plus haut représentant des intentions qu’il n’a pas ? Je ferais injure à ma charge, pire, je me damnerais si j’acceptais l’aide d’un musulman contre la chrétienté. Quel intérêt prendrais-je à vous faire disparaître ? L’argent ? Il n’en manque pas dans les caisses du Vatican. Allons, Djem…
    Il lui posa affectueusement une main sur l’épaule, secoua la tête d’un air navré.
    — … des émissaires turcs annoncent leur venue à Naples et j’en serais responsable ? Seuls mes ennemis, pressés de me destituer, le peuvent penser. Croyez-moi, je conçois votre colère puisqu’elle rejoint la mienne, aussi, je vous le demande, n’entachons pas cette soirée et nos relations d’aussi désagréables pensées…
    Djem s’inclina et, en gage de paix, offrit au pape une place à ses côtés. Il n’était pas dupe, mais il n’avait d’autre choix que de capituler.
    L’instant d’après, les tableaux de Plaute se succédaient. Ils offrirent aux Français un portrait de la Rome antique si conforme à celle d’aujourd’hui avec ses débauches de luxure, ses intrigues et sa cupidité qu’ils furent heureux lorsque la course effrénée d’un cardinal les interrompit.
    — Votre Sainteté, Votre Sainteté, c’est affreux, scandaleux !
    — Quoi donc, mon ami ? demanda le Saint-Père qui goûtait peu cette intrusion intempestive.
    — Vos cousines Farnese ont été interceptées par l’avant-garde française près de Montefiascone.
    Alexandre VI ne put s’empêcher de jeter un regard d’effroi en direction d’Elora. Elle n’avait pas cillé. Son sang cogna à ses tempes.
    — Qu’en est-il de Julie ? demanda-t-il d’une voix morte.
    Le cardinal tomba à ses pieds.
    — Hélas ! Votre Sainteté. Yves d’Allègre réclame trois mille écus pour vous la renvoyer.

14
     
    Certaines choses n’ont pas de prix.
     
    Pour cette mère qui venait d’accoucher dans la grotte de Choranche, c’était ce nourrisson qu’elle portait à son sein.
    Pour cette autre, rongée par des années de vie clandestine, c’était de vérifier la fumaison des jambons de sanglier, indispensables à la survie du clan, l’hiver.
    Pour l’aïeule, c’était cette pommade de simples et de tourbe qu’elle mélangeait au pilon et qui soulagerait ses rhumatismes aggravés par l’humidité.
    Pour ces petites filles en haillons, c’étaient ces toilettes qui débordaient des coffres et dont elles se paraient pour jouer les dames.
    Pour ces garçons, c’étaient ces armes restées au râtelier, lances, arcs, flèches, épées, que le vieux forgeron gardait amoureusement en réserve.
    Pour Bertille et Jean qui trompaient l’ennui avec une partie de dés, c’était Petit Pierre.
    Pour Celma, c’étaient ces runes qu’elle venait de jeter une nouvelle fois sur le sol et dont la menace imminente endeuillait le visage.
     
    Oui, certaines choses n’ont pas de prix.
     
    Pour Fanette, c’était la vengeance.
     
    Du moins était-ce ce qu’elle croyait en cette fin d’après-midi du huit décembre de l’an de grâce 1494, alors qu’elle surplombait Choranche au mépris de toutes ces vies qu’elle s’apprêtait à briser.
     
    Elle tourna la tête vers Hugues de Luirieux, tapi à quelques pas d’elle derrière un rocher et, d’un index tendu, montra chacune des silhouettes dissimulées en contrebas dans les arbres. Ainsi qu’elle l’avait dit, les quatre guetteurs leur tournaient le dos. Ils surveillaient la forêt, mais pas la falaise abrupte par laquelle leur troupe de soixante fantassins était arrivée. À l’exemple des chamois que souvent Fanette avait observés, ils avaient emprunté des sentes invisibles depuis le bas, utilisant le rempart naturel des anfractuosités pour masquer leur avancée, confiants en le roulement du torrent et des cascades pour taire les

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