Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
dans son âme, perdre ce que l’on a aimé pour en comprendre l’importance. Écoute ton cœur, Celma. Entends le rire de Jean chatouillé par sa mère. Aurais-tu pensé hier que Fanette le partagerait ?
    Celma tourna la tête vers eux qui jouaient. Une tristesse profonde lui serra le ventre. Des larmes piquèrent ses yeux.
    — Non, c’est vrai. Mais je pense à Mathieu, à Villon, à Petit Pierre et à tous ceux qui, demain, se balanceront au bout d’une corde par sa faute…
    Sa voix exprima de nouveau la dureté du visage qu’elle ramena vers Algonde.
    — Je ne peux pas lui pardonner, Algonde. Et je ne conçois pas que tu le puisses en sachant ce qui va se produire.
    Algonde soupira en attachant enfin sa tresse unique. Elle lui retomba sur le bas-ventre, habillé d’écailles luisantes.
    — Je t’ai vue tirer les runes hier. T’ont-elles prédit du malheur ?
    Celma frissonna.
    — La camarde y était si présente qu’elle obscurcissait tout, jusqu’à mes visions. Je n’ai rien pu lire de clair, d’évident. Pour la première fois, l’avenir que j’entrevois est aussi noir que cette grotte. Et je suis sûre que c’est à cause d’elle.
    — Tu te trompes, maman.
    Celma tourna la tête vers Bertille qui s’était rapprochée, escortée par Constantin, pour les écouter. D’un même mouvement, ils vinrent s’asseoir à ses côtés, le garçonnet uniquement vêtu d’un haut-de-chausse, contre le poitrail de la louve, immobile. C’est lui qui prit le relais, d’une voix si suave que Celma fut, cette fois encore, surprise du contraste avec son apparence.
    — Nos émotions empêchent souvent d’interpréter correctement les signes. Ce que les runes annoncent ne sont ce jourd’hui que le reflet des vôtres, tourmentées. Il faut passer au travers, Celma, pour voir la vérité.
    La devineresse oscilla sur ses certitudes. De jour en jour, elle s’émerveillait de la stupéfiante sagesse de cet enfant. Hors d’âge. Voilà ce qu’il était. Hors d’âge, malgré ses neuf ans sonnés. Elle piocha dans le sachet pendu à sa ceinture, en ressortit ses cailloux gravés et tendit sa paume ouverte à Bertille.
    — Lance-les.
    La fillette ne l’avait jamais fait, mais toutes deux savaient que le don était là, noué de mère en fille. Les runes roulèrent, s’immobilisèrent contre le rocher sur lequel trônait Algonde. Celma hocha la tête. Constantin avait dit vrai. Pour preuve, Bertille branlait déjà de la tête, la bouche ouverte, les yeux dans le vague, ballottée par des images que les signes avaient réveillées.
    — Je vois un navire. Un grand navire toutes voiles dehors. La mer est agitée. De grands cubes de glace flottent dessus. Des monstres de mer remontent à la surface, envoient dans l’air des gerbes d’eau. Ils sont effrayants, mais pas menaçants. Ils nagent autour du bateau. Petit Pierre les montre du doigt à Jean qui se tourne vers le ciel. Non… vers la mâture… Oh ! Algonde s’y trouve, avec ses jambes, et Celma qui désigne une côte à l’horizon. Il fait froid. J’ai froid…
    Les lèvres de la fillette bleuirent. Elle se mit à claquer des dents. Celma la secoua. Pour une première, c’était beaucoup déjà. Bertille sortit de sa transe en se frottant les épaules à pleines mains. Elle tourna vers sa mère un regard empli de lumière.
    — L’avenir est radieux, maman, chargé de promesses. On était tous sur le navire. Avec d’autres que je ne connais pas. Des enfants de mon âge. Un bel homme aussi, aux cheveux grisonnants.
    — Et Mathieu, Villon ? interrogea Celma, doutant de son propre ressenti.
    Bertille s’accorda le temps d’une moue circonspecte avant de secouer la tête, navrée.
    — Pas vu… mais puisque Petit Pierre était là…
    Celma se leva. De nouveau emplie de tristesse. Elle avait besoin d’être seule. De retrouver la lumière du jour, l’énergie des arbres. De se mettre en paix face à ses tourments. Elle leur sourit sans conviction.
    — Ce que tu as vu sera, ma fille, et je veux croire que mon jugement est faussé par le chagrin ou le désarroi. Mais ceux qui me manquent aujourd’hui me manqueront demain, je le sais au plus profond de moi.
    Elle se tourna vers Algonde.
    — Nous le savons toutes deux, n’est-ce pas ? Seul l’amour peut briser ta malédiction et personne ne t’aime autant que Mathieu. Il sera sauf, Algonde, et reviendra vers toi. C’est dans l’ordre des choses, depuis le

Weitere Kostenlose Bücher