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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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éclats, la bouche emplie de questions militaires auxquelles, et bien qu’il s’y connaisse peu, l’évêque se chargeait de répondre.
    Lorsque enfin parurent au détour d’un chemin et non loin d’Ostie les couleurs bariolées des carrioles, Khalil poussa un cri de joie, passa le buste presque entier par l’ouverture, gueula au cocher d’aller plus vite, cognant des paumes sur la portière, puis, voyant que l’allure était à peine forcée, l’ouvrit tout entière et sauta. Julie hurla d’effroi, réveillant sa fille qui dormait et qui se mit à pleurer. Le cocher immobilisa ses chevaux.
    Quant à Elora, tout en se disant qu’elle n’était pas fâchée de se débarrasser de cette assemblée, elle se borna à passer le front sous le rabat de cuir. Khalil, qui avait savamment roulé dans la neige, se releva dans un éclat de rire, passa devant elle en clignant d’un œil complice et courut de l’avant en agitant les bras, la voix pleine du nom des siens.
    Quelques instants plus tard, tandis qu’il tombait dans leurs bras et recevait, des larmes de bonheur plein les yeux, Bouba, sauvé du pape, sur son épaule, le carrosse s’immobilisait en bordure du pré.
    *
    Les premiers jours de l’installation du roi Charles à Rome avaient excédé laïcs et clergé. En quelques heures, la ville avait été ravagée, les palais pillés et dégradés par la soldatesque. Sans le moindre scrupule, Charles VIII s’était approprié le palais Saint-Pierre, imposant au marbre du sol des salles de réception les litières de paille, les excréments et la gouaille de sa garde. Indifférent à leur dégoût, il avait reçu les cardinaux venus lui rendre hommage. Lorsque ce fut le tour de César Borgia, il s’accorda le plaisir de le faire patienter jusqu’à la fin de la messe. Avec le fils, c’était le père que le roi s’imagina humilier.
    Il dut pourtant attendre le cinq janvier, veille de l’Épiphanie, avant de pénétrer les murs du Vatican avec les puissants de France. Alexandre VI le reçut avec une chaleur feinte et l’autorisa à lui baiser les pieds. Honneur suprême qui fit jubiler Charles, certain désormais de voir ses exigences satisfaites.
    Le soir même, il déchantait. Après les doléances du sire de Burckhardt, furieux des manières des soldats qui avaient été jusqu’à déféquer dans toutes les pièces de sa demeure après avoir vidé le garde-manger, ce fut au tour de l’envoyé du pape de l’exaspérer.
    Bien qu’il se prétendît heureux de leur entente, Alexandre VI refusait de lui remettre le prince Djem et plus encore César Borgia à titre d’otages pour garantir son entrée dans Naples. Il ne pouvait risquer la colère des Turcs et entraîner Rome dans une guerre plus sanglante encore.
    Fou de rage, le roi se dressa sur ses jambes torses, fronça son visage simiesque et, d’une voix sifflante, rétorqua que les seigneurs français allaient de ce pas imposer sa volonté et déposer le pape pour simonie.
    À quatre heures du matin, prenant la menace au sérieux, Alexandre VI déménageait au château Saint-Ange par un corridor secret qui reliait ses appartements du Vatican à la forteresse. À peine y fut-il en sécurité qu’une partie du rempart s’éboula brutalement, entraînant sept des créneaux et trois gardes dans la mort. S’il n’avait accéléré son pas, lui-même se serait retrouvé emmuré.
    Alexandre VI ne s’attarda pas sur cette coïncidence. Il mit en poste les quatre cents Espagnols de sa garnison sur le chemin de ronde, fit pointer ses canons sur les Français qui, déjà, montaient à l’assaut. Jugeant que ce ne serait pas suffisant pour les arrêter, il fit sortir les châsses de leurs caches et exposa sans vergogne les reliques des saints qu’elles contenaient.
    Charles VIII, profondément chrétien, se signa et ordonna le repli avant même qu’une seule goutte de sang ne soit versée.
    Lorsqu’il voulut recommencer le lendemain, il fut reçu de même.
    Lors, il réunit son conseil pour décider de la meilleure attitude à adopter.
     
    En cette soirée du neuf janvier, fort de ses prérogatives et de ses victoires, Alexandre VI était plus que jamais déterminé.
    Il était en position de force.
    Le roi avait commencé le ménage. Il venait de décréter le couvre-feu, d’organiser des patrouilles de nuit pour limiter les pillages et de faire pendre en place publique cinq soldats pris la main dans le sac. Furieux d’avoir vu sa

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