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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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ces exercices ne laissaient aucune initiative à l'âme ; ils la considéraient ainsi qu'une pâte molle bonne à couler dans un moule ; ils ne lui montraient aucun horizon, aucun ciel. Au lieu d'essayer de l'étendre, de la grandir, ils la rapetissaient de parti pris, la rabattaient dans les cases de leur gaufrier, ne la nourrissaient que de minuties fanées, que de vétilles sèches.
    Cette culture japonaise d'arbres contrefaits et demeurés nains, cette déformation chinoise d'enfants plantés dans des pots, horripilaient Durtal qui ferma le volume.
    Il en ouvrit un autre : l'Introduction à la vie dévote, de saint François de Sales.
    Certes, il n'éprouvait aucun besoin de le relire, malgré ses mignardises et sa bonhomie tout d'abord charmante mais qui finissaient par vous écoeurer, par vous poisser l'âme avec ses dragées aux liqueurs et ses fondants ; en somme cette oeuvre si vantée dans le monde des catholiques était un julep parfumé à la bergamote et à l'ambre. Cela sentait le mouchoir de luxe secoué dans une église où persistait un relent d'encens.
    Mais l'homme même, l'évêque que fut saint François de Sales était suggestif ; il évoquait avec son nom toute l'histoire mystique du XVIIe siècle.
    Et Durtal rappelait ses souvenirs gardés de la vie religieuse de ces temps. Il y avait eu alors dans l'église deux courants :
    Celui du Mysticisme dit exalté, originaire de sainte Térèse, de saint Jean de la croix et ce courant s'était concentré sur Marie Guyon.
    Et un autre, celui du mysticisme dit tempéré, dont les adeptes furent saint François de Sales et son amie, la célèbre baronne de Chantal.
    Ce fut naturellement ce dernier courant qui triompha. Jésus se mettant à la portée des salons, descendant au niveau des femmes du monde, Jésus modéré, convenable, ne maniant l'âme de sa créature que juste assez pour la douer d'un attrait de plus, ce Jésus élégant fit fureur ; mais Mme Guyon, qui dérivait surtout de sainte Térèse, qui enseignait la théorie mystique de l'amour et le commerce familier avec le ciel, souleva la réprobation de tout un clergé qui abominait la mystique sans la comprendre ; elle exaspéra le terrible Bossuet qui l'accusa de l'hérésie à la mode, de molinisme et de quiétisme. Elle réfuta, sans trop de peine, ce grief, la malheureuse, mais il ne l'en persécuta pas moins ; il s'acharna sur elle, la fit incarcérer à Vincennes, se révéla tenace et hargneux, atroce.
    Fénelon, qui avait essayé de concilier ces deux tendances, en apprêtant une petite Mystique, ni trop chaude, ni trop froide, un peu moins tiède que celle de saint François de Sales et surtout beaucoup moins ardente que celle de sainte Térèse, finit à son tour par déplaire au cormoran de Meaux et, bien qu'il eût lâché et renié Mme Guyon dont il était, depuis de longues années, l'ami, il fut poursuivi, traqué par Bossuet, condamné à Rome, envoyé en exil à Cambrai.
    Et, ici, Durtal ne pouvait s'empêcher de sourire, car il se remémorait les plaintes navrées de ses partisans, pleurant cette disgrâce, représentant ainsi qu'un martyr cet archevêque dont la punition consistait à cesser son rôle de courtisan à Versailles pour aller enfin administrer son diocèse qui ne paraissait pas l'avoir préoccupé jusqu'alors.
    Ce Job mitré qui restait, dans son malheur, archevêque et duc de Cambrai et prince du saint-empire et riche, se désolant parce qu'il est obligé de visiter ses ouailles, dénote bien l'état de l'épiscopat sous le règne redonnant du grand roi. C'était un sacerdoce de financiers et de valets.
    Seulement, il avait encore une certaine allure, il avait du talent, dans tous les cas ; tandis que, maintenant, les évêques ne sont, pour la plupart, ni moins intrigants, ni moins serviles ; mais ils n'ont plus ni talent, ni tenue. Pêchés, en partie, dans le vivier des mauvais prêtres, ils s'attestent prêts à tout, sortent des âmes de vieux usuriers, de bas maquignons, de gueux, quand on les presse.
    C'est triste à dire, mais c'est ainsi, conclut Durtal. Quant à Mme Guyon, reprit-il, elle ne fut ni une écrivain originale, ni une sainte ; elle n'était qu'une succédanée mal venue des vrais mystiques ; elle présumait et manquait, à coup sûr, de cette humilité qui a magnifié les sainte Térèse et les sainte Claire ; mais enfin, elle flambait, elle était une emballée de Jésus, elle n'était surtout pas une courtisane pieuse, une

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