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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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Saint-Gervais.
    Dans la chapelle de la vierge, de pauvres femmes étaient prostrées. Il s'était agenouillé, las, abasourdi, l'âme si mal à l'aise, qu'elle somnolait, sans force pour s'éveiller. Des chantres et des gamins de la maîtrise s'étaient installés avec deux ou trois prêtres dans cette chapelle ; on avait allumé des cierges, et une voix blonde et ténue d'enfant avait, dans le noir de l'église, chanté les longues antiennes du Rorate.
    Dans l'état d'accablement, de tristesse où il stagnait, Durtal s'était senti ouvert et saigné jusqu'au fond de l'âme, alors que moins tremblante qu'une voix plus âgée qui eût compris le sens des paroles qu'elle disait, cette voix racontait ingénument, presque sans confusion, au juste : Peccavimus et facti sumus tanquam immundus nos.
    Et Durtal reprenait ces mots, les épelait, terrifié, pensait : ah oui, nous avons péché et nous sommes semblables au lépreux, Seigneur ! - Et le chant continuait et, à son tour, le très-haut empruntait ce même organe innocent de l'enfance, pour confesser à l'homme sa pitié, pour lui confirmer le pardon assuré par la venue du Fils.
    Et la soirée s'était terminée par un salut de plain-chant au milieu de ce silence prosterné de malheureuses femmes.
    Durtal se rappelait être sorti de l'église, étayé, renfloué, débarrassé de ses hantises et il était reparti sous la bruine, surpris que le chemin fût aussi court, fredonnant le Rorate dont l'air l'obsédait, finissant par y voir l'attente personnelle d'un inconnu propice.
    Et c'étaient d'autres soirs… l'Octave des Morts à Saint-Sulpice et à Saint-Thomas-d'Aquin où l'on ressuscitait, après les vêpres des trépassés, la vieille séquence disparue du bréviaire romain, le Languentibus in purgatorio.
    Cette église était la seule à Paris qui eût conservé ces pages de l'hymnaire gallican et elle les faisait détailler, sans maîtrise, par deux basses, mais ces chantres, si médiocres d'habitude, aimaient sans doute cette mélodie, car s'ils ne la chantaient pas avec art, ils l'expulsaient au moins dans un peu d'âme.
    Et cette invocation à la madone que l'on adjurait de sauver les âmes du purgatoire était dolente comme ces âmes mêmes, et si mélancolique, si languide qu'on oubliait l'alentour, l'horreur de ce sanctuaire dont le choeur est une scène de théâtre, entourée de baignoires fermées et, garnie de lustres ; on rêvait, loin de Paris, quelques instants, hors de cette population de dévotes et de domestiques qui fréquente ce lieu, le soir.
    Ah ! l'Eglise, se disait-il, en descendant le sentier qui conduisait au grand étang, quelle génitrice d'art ! Et subitement, le bruit d'un corps tombant dans l'eau interrompit ses réflexions.
    Il regarda derrière la haie des roseaux et ne vit rien, sinon de grands cercles courant sur l'onde et, tout à coup, dans l'un de ces ronds, une tête minuscule de chien parut tenant un poisson dans la gueule ; et la bête se haussa un peu hors de l'eau, montra un corps effilé et couvert d'une fourrure et, tranquillement, de ses petits yeux noirs, elle fixa Durtal.
    Puis, en un éclair, elle franchit la distance qui la séparait du bord et disparut sous les herbes.
    - C'est la loutre, se dit-il, se rappelant la discussion à table du vicaire de passage et de l'oblat.
    Et il s'en allait rejoindre l'autre étang quand il se heurta au père Etienne.
    Il lui raconta sa rencontre.
    - Pas possible ! s'écria le moine ; personne n'a jamais vu la loutre ; vous devez confondre avec un rat d'eau, avec un autre animal, car cette bête que nous guettons depuis des années est invisible.
    Durtal lui en fit la description.
    - C'est pourtant elle ! Convint l'hôtelier, surpris.
    Il était évident que cette loutre vivait à l'état de légende dans cet étang. Dans ces existences monotones, dans ces jours semblables du cloître, elle prenait les proportions d'un sujet fabuleux, d'un événement dont le mystère devait occuper les intervalles ménagés entre les oraisons des heures.
    - Il faut indiquer à M. Bruno l'endroit exact où vous l'avez remarquée, car il va recommencer la chasse, fit le père étienne, après un silence.
    - Mais enfin en quoi cela peut-il vous gêner qu'elle mange vos poissons, puisque vous ne les pêchez point ?
    - Pardon, nous les pêchons pour les envoyer à l'archevêché, répondit le moine qui reprit : - c'est tout de même bien étrange que vous ayez aperçu cette

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