Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
retourner vivre avec les Blancs s’ils le voulaient, il leur jura que si jamais ils se trouvaient de nouveau à portée de son fusil, il les abattrait comme de vulgaires chiens.
La poursuite dura quelques jours de plus. Il s’agissait « plus d’une chasse aux animaux sauvages que de guerre », pour reprendre les termes du général Davies, « les détachements rivalisant les uns avec les autres pour savoir lequel serait le premier au final ».
Après une fuite éreintante à pied au milieu des rochers et des fourrés, un petit groupe de soldats encercla Captain Jack et trois guerriers restés avec lui jusqu’au bout. Jack se rendit vêtu de l’uniforme bleu de Canby, sale et déchiré. Il tendit son fusil à un officier. « Les jambes de Jack n’en peuvent plus, déclara-t-il. Je suis prêt à mourir. »
Le général Davies aurait voulu le voir se balancer tout de suite au bout d’une corde, mais le Département de la Guerre ordonna qu’il soit jugé. Le procès eut lieu à Fort Klamath en juillet 1873. Captain Jack, Schonchin John, Boston Charley et Black Jim furent accusés de meurtre. Aucun avocat ne les défendait. On leur donna le droit de faire subir des contre-interrogatoires aux témoins, mais la plupart comprenaient très mal l’anglais, et aucun ne le parlait vraiment. Pendant le cours même du procès, les soldats construisirent une potence devant le bloc des prisonniers. Le verdict ne faisait aucun doute.
Parmi les témoins à charge figuraient Hooker Jim et sa bande. En trahissant leur propre peuple, ils avaient obtenu de l’armée leur liberté.
Après que Hooker Jim fut interrogé par l’accusation, Captain Jack ne lui posa aucune question. En revanche, dans son dernier discours au tribunal, traduit par Frank Riddle, il déclara : « Hooker Jim est celui qui a toujours voulu se battre, et qui a tué et assassiné le premier (…). La vie qu’il me reste est brève. Vous autres Blancs ne m’avez pas conquis ; ce sont les miens qui m’ont vaincu. »
Captain Jack fut pendu le 3 octobre. La nuit suivant son exécution, son corps fut secrètement déterré, emporté à Yreka puis embaumé. Quelque temps plus tard, il fut signalé dans des fêtes foraines de l’Est en tant qu’attraction à dix cents l’entrée.
Quant aux cent cinquante-trois hommes, femmes et enfants modocs survivants, dont Hooker Jim et sa bande, ils furent emmenés dans le Territoire Indien. Six ans plus tard, Hooker Jim était mort, et en 1909, quand le gouvernement décida de permettre aux Modocs de retourner dans l’Oregon, vivre sur une réserve, ils n’étaient plus que cinquante et un.
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La guerre pour sauver les bisons
1874 – Le 13 janvier à New York, des affrontements entre ouvriers au chômage et policiers font des centaines de blessés. Le 13 février, les troupes américaines débarquent à Honolulu pour protéger le roi. Le 21, Benjamin Disraeli remplace William Gladstone au poste de Premier ministre de Grande-Bretagne. Le 15 mars, instauration du protectorat français sur l’Annam (Vietnam). Le 29 mai, dissolution du parti social- démocrate allemand. En juillet, Alexander Graham Bell présente sa nouvelle invention, le téléphone électrique. Le 7, Theodore Tilton accuse le révérend Henry Ward Beecher (36) d’adultère. Le 4 novembre, élection de Samuel J. Tilden au poste de gouverneur de l’État de New York après le renversement du cartel de Tweed (voir chapitre 8). En décembre, révélation de l’existence du cartel du Whisky, un réseau de détournement de l’argent provenant des taxes sur l’alcool, dans lequel sont impliqués des distillateurs et des membres du gouvernement.
J’ai appris que vous comptez nous mettre sur une réserve près des montagnes. Je ne veux pas devenir sédentaire. J’aime nomadiser dans les prairies. Là, je me sens libre et heureux. Quand nous restons au même endroit, nous devenons pâles et nous mourons. J’ai dit la vérité. Je ne cache aucun petit mensonge dans mes vêtements, mais j’ignore ce qu’il en est des membres de la commission. Sont-ils aussi clairs que moi ? Il y a longtemps, cette terre appartenait à nos pères ; mais quand je me rends au bord de la rivière, je vois des campements de soldats sur les berges. Ces soldats coupent mes arbres ; ils tuent mes bisons ; et en voyant cela, c’est comme si mon cœur explosait ; je me désole (…). L’homme blanc serait-il devenu un enfant pour tuer avec
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