Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
stopper l’afflux. Quelques chercheurs d’or furent chassés des collines, sans pour autant qu’aucune procédure légale ne soit engagée contre eux. Ils ne tardèrent pas d’ailleurs à revenir. Le général Crook (Loup-Gris, que les Indiens des Plaines appelaient Trois-Étoiles) partit en mission de reconnaissance dans les Black Hills. Il y trouva plus d’un millier de prospecteurs, qu’il informa poliment qu’ils violaient la loi et devaient partir. Pourtant, il ne fit aucun effort pour faire respecter ses propres ordres.
Alarmé par cette fièvre d’or chez les Blancs et par l’incapacité de l’armée à protéger leur territoire, Red Cloud et Spotted Tail protestèrent vigoureusement auprès des autorités de Washington. Pour toute réponse, le Grand Père envoya une commission chargée « de traiter avec les Indiens pour la cession des Black Hills ». En d’autres termes, le moment était venu de s’emparer d’une autre portion de territoire attribuée aux Indiens pour l’éternité. Comme d’habitude, la commission était composée de responsables politiques, de missionnaires, de négociants et d’officiers militaires. Elle était présidée par le sénateur de l’Iowa, William B. Allison. Le révérend Samuel D. Hinman, qui avait pendant longtemps tenté de convaincre les Santees d’abandonner leur religion et leur culture pour le christianisme était le principal missionnaire. Le général Alfred Terry parlerait au nom de l’armée et John Collins, négociant à Fort Laramie, défendrait les intérêts commerciaux.
Pour s’assurer que seraient représentés aussi bien les Indiens dépendant des agences que les autres, des messagers furent dépêchés auprès de Sitting Bull, Crazy Horse et d’autres chefs « sauvages » pour les inviter au conseil. Louis Richard, un métis, apporta la lettre du gouvernement à Sitting Bull et lui en fit la lecture. « Je veux que tu dises au Grand Père, déclara Sitting Bull, qu’il est hors de question pour moi de vendre la moindre portion de terre au gouvernement. » Il ramassa une pincée de poussière et ajouta : « Même pas ça. » Crazy Horse s’opposa également à toute vente des terres sioux, surtout les Black Hills. Il refusa de se rendre au conseil, mais déclara que Little Big Man irait en tant qu’observateur pour le compte des Oglalas libres.
Si les envoyés de Washington s’attendaient à une rencontre tranquille avec des chefs dociles auxquels ils pourraient faire signer un accord avantageux pour eux-mêmes, ils furent déçus. Quand ils arrivèrent à l’endroit convenu pour le conseil – au bord de la White River, entre les agences de Red Cloud et de Spotted Tail – la plaine était recouverte de campements sioux et de troupeaux de mustangs à des kilomètres à la ronde. Du Missouri à la région des Bighorns à l’ouest, toutes les nations sioux et un grand nombre de leurs amis cheyennes et arapahos – plus de vingt mille Indiens – s’étaient rassemblés là.
Rares étaient ceux qui avaient vu un exemplaire du traité de 1868. Par contre, il y avait une certaine clause de ce document sacré dont le sens ne leur était en général pas inconnu : « Aucun traité pour la cession de quelque portion que ce soit de la réserve ci-dessus décrite (…) ne sera valable ou applicable (…) à moins qu’il ne soit approuvé et signé par au moins les trois quarts de la population indienne adulte mâle occupant ladite région ou s’y intéressant. » À supposer que les négociateurs parviennent à intimider ou à corrompre tous les chefs présents, ils n’auraient pu obtenir tout au plus que quelques dizaines de signatures de la part de ces milliers de guerriers furieux et armés jusqu’aux dents qui se refusaient à céder le moindre pouce de terrain ou le moindre brin d’herbe de leur territoire.
Le 20 septembre 1875, la commission se réunit à l’ombre d’une grande bâche tendue près d’un peuplier isolé sur la plaine légèrement vallonnée. Ses membres s’assirent face aux milliers d’indiens qui s’agitaient au loin. Cent vingt cavaliers venus de Fort Robinson et montés sur des chevaux blancs défilèrent devant eux avant de se ranger en ligne derrière la bâche. Spotted Tail arriva en chariot de son agence. Quant à Red Cloud, il avait fait savoir qu’il ne viendrait pas. Quelques autres chefs se présentèrent sans se presser. C’est alors qu’on vit au loin un nuage de
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