Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

poussière s’élever du sommet d’une crête, puis un groupe d’indiens débouler au galop – des guerriers en tenue de combat. Quand ils furent suffisamment près, ils virèrent brusquement et encerclèrent les délégués blancs en tirant en l’air. Après avoir poussé quelques cris de guerre, ils allèrent au petit trot former une ligne derrière celle des Tuniques Bleues tandis qu’un deuxième groupe s’approchait. C’est ainsi que, tribu après tribu, les Sioux firent leur apparition, offrant aux Blancs une démonstration de leur puissance, jusqu’à ce que le conseil se retrouve encerclé par plusieurs milliers d’indiens. Alors, les chefs s’avancèrent. Ils savaient qu’ils avaient donné aux membres de la commission matière à réfléchir. Impatients d’entendre leurs propositions au sujet des Black Hills, ils s’assirent en demi-cercle en face des Blancs, lesquels n’en menaient pas large.
    Durant les quelques jours passés à Fort Robinson, les envoyés de Washington avaient eu l’occasion d’observer l’humeur des Indiens et, comprenant qu’il était illusoire de tenter d’acheter les collines sacrées, avaient décidé de négocier les droits miniers. Le sénateur Allison ouvrit les discussions en ces termes : « Nous devons à présent vous demander si vous êtes disposés à nous céder le droit d’exploiter les gisements des Black Hills tant que nous y trouverons de l’or ou tout autre minerai de valeur, pour une somme raisonnable et modique. Si c’est le cas, nous conclurons un marché avec vous en échange de ce droit. Une fois que nous aurons pris tout l’or et tous les minerais de valeur, ce territoire vous reviendra, et vous pourrez en disposer comme vous l’entendrez. »
    Spotted Tail trouva la proposition grotesque. Que voulait le sénateur au juste ? Que les Indiens prêtent les Black Hills aux Blancs pour quelque temps ? Sa réponse prit la forme d’une question : Allison accepterait-il de lui prêter un attelage de mules sous ce genre de conditions ?
    « Le gouvernement aura les plus grandes difficultés à empêcher les Blancs d’aller dans les Black Hills, reprit Allison. S’il essaie, cela nous attirera de gros ennuis, à vous et à notre gouvernement, les Blancs qui convoitent cette région étant fort nombreux. » Ce qu’il proposa alors témoignait de son ignorance totale de ce que la région de la Powder River représentait pour les Indiens des Plaines : « Il y a une autre terre, tout là-bas, vers le couchant, où vous nomadisez et chassez, qui n’a pas encore été cédée, avec une partie qui s’étend jusqu’au sommet des Bighorn Mountains (…). Elle n’a pas grande valeur ni utilité pour vous visiblement, et notre peuple pense qu’il aimerait prendre cette portion que je viens de décrire. »
    Tandis que les interprètes traduisaient les incroyables exigences d’Allison, Red Dog arriva à cheval, porteur d’un message de Red Cloud. Le chef oglala, prévoyant sans nul doute la rapacité des membres de la commission, demandait un délai d’une semaine pour permettre aux tribus d’organiser leurs propres conseils et d’examiner les propositions des Blancs. Ceux-ci réfléchirent un instant, puis acceptèrent d’accorder trois jours aux Indiens. Les chefs devraient donner leur réponse définitive le 23 septembre.
    L’idée de céder leur dernier grand territoire de chasse était si absurde que les chefs ne l’évoquèrent même pas lors des conseils qui suivirent. Par contre, ils discutèrent longuement de la question des Black Hills. Certains déclarèrent que si le gouvernement des États-Unis n’avait pas l’intention de respecter le traité et d’empêcher les prospecteurs blancs d’envahir leurs terres sacrées, alors les Indiens devraient peut-être exiger le paiement d’une somme d’argent – d’une très grosse somme d’argent – en échange du métal jaune pris dans les collines. Pour d’autres, il était hors de question de vendre, et cela quel que soit le prix. Paha Sapa appartenait aux Indiens ; si les Tuniques Bleues refusaient de chasser les chercheurs d’or, ce serait aux guerriers de s’en charger.
    Le 23 septembre, les négociateurs revinrent dans des ambulances de l’armée escortées par une troupe de cavaliers nettement plus importante. Red Cloud, arrivé en avance, protesta contre le nombre de soldats présents. Au moment où il s’apprêtait à faire son discours préliminaire, les