Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
soldats jusqu’à ce que les femmes et les enfants aient fui de l’autre côté de la Powder.
« Nous avons assisté de loin à la destruction de notre village, raconte le Cheyenne Wooden Leg. Ils ont brûlé nos tipis avec tout ce qu’il y avait à l’intérieur (…). Je ne possédais plus rien, à part les vêtements que je portais. » Les Tuniques Bleues détruisirent tout le pemmican et toutes les selles qu’ils trouvèrent dans le village. Ils emmenèrent également tous les mustangs – « entre douze et quinze cents ». La nuit tombée, les Indiens se rendirent près du campement des soldats, bien décidés à récupérer leurs montures. « Cette nuit-là, pendant que les Tuniques Bleues dormaient, raconte Two Moon, nous nous sommes approchés en rampant, avons récupéré les chevaux qu’ils avaient laissés un peu à l’écart, puis nous sommes partis. »
Trois-Étoiles Crook était tellement furieux que le colonel Reynolds ait laissé les Indiens s’échapper avec leurs montures qu’il ordonna son passage en cour martiale. Plus tard, l’armée devait baptiser ce raid « l’attaque du village de Crazy Horse », mais la vérité, c’est que Crazy Horse était installé à plusieurs kilomètres de là, au nord-est. Ce fut d’ailleurs là que Two Moon et les autres chefs se réfugièrent avec leurs bandes dans l’espoir d’y trouver abri et nourriture. Le trajet leur prit plus de trois jours. La température tombait en dessous de zéro la nuit et seuls quelques fugitifs avaient de quoi se couvrir. De plus, la nourriture manquait.
Crazy Horse les reçut avec hospitalité, leur donna à manger, leur fournit des vêtements et leur trouva de la place sous les tipis oglalas. « Je suis content que tu sois venu, dit-il à Two Moon après avoir entendu le récit de la destruction du village par les Tuniques Bleues. Nous allons reprendre les armes contre l’homme blanc.
— Parfait, répondit Two Moon. Je suis prêt. Ce ne sera pas la première fois que je me battrai. Mon peuple a été tué, mes mustangs volés ; je suis heureux de repartir en guerre. »
À la Lune-où-les-oies-pondent, quand l’herbe est haute et les chevaux sont forts, Crazy Horse leva le camp et, à la tête des Oglalas et des Cheyennes, gagna les berges de la Tongue, au nord, où Sitting Bull et les Hunkpapas avaient passé l’hiver. Peu après, Lame Deer arriva avec une bande de Miniconjous et demanda la permission de s’installer à proximité. Il avait entendu dire que les soldats pénétraient en masse les territoires de chasse sioux et voulait être près de Sitting Bull et de sa puissante bande de Hunkpapas au cas où les choses tourneraient mal.
Les températures se faisant plus douces, les tribus montèrent vers le nord à la recherche de gibier et d’herbe fraîche. Sur le chemin, des groupes de Brûlés, de Sans-Arcs, de Sioux Black-foots et de Cheyennes les rejoignirent. Ils avaient pour la plupart quitté leur réserve, comme les traités leur en donnaient le droit en tant que chasseurs, et ceux qui avaient entendu parler de l’ultimatum du 31 janvier le considéraient comme une vaine menace de plus, ou bien pensaient qu’il ne s’appliquait pas aux Indiens paisibles. « Beaucoup de jeunes braves avaient hâte d’en découdre avec les soldats, raconta Wooden Leg, mais les chefs et les anciens ont insisté pour que nous ne nous approchions pas des Blancs. »
De nombreux jeunes braves fuyant les réserves se joignirent à ces milliers d’indiens installés maintenant près de la Rosebud. Ils ramenaient avec eux des rumeurs faisant état de gros bataillons de Tuniques Bleues venus de trois directions. Trois-Étoiles Crook arrivait du sud, Celui-qui-boite (le colonel John Gibbon) de l’ouest, enfin Une-Étoile Terry et Longue-Chevelure Custer de l’est.
Au début de la Lune-où-on-fabrique-la-graisse, les Hunkpapas célébrèrent leur danse du Soleil annuelle. Sitting Bull passa trois jours à danser face au soleil, les chairs de sa poitrine transpercées par des broches. Il finit par tomber en transes. Quand il revint à lui, il avait quelque chose à dire à son peuple. Dans sa vision, une voix lui avait crié : « Je te donne ces soldats parce qu’ils n’ont pas d’oreilles. » En regardant en l’air, il avait alors vu des soldats tomber du ciel comme des sauterelles, tête la première, en perdant leur chapeau. Ils atterrissaient pile dans le campement indien. Comme les Blancs
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