Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
de la remise des captifs. « C’est avec grand plaisir que j’accueillerai les vrais amis des Blancs, promit-il, avec tous les prisonniers qu’ils seront en mesure d’amener, et je dispose de suffisamment de pouvoir pour écraser tous ceux qui voudraient m’empêcher d’avancer et pour châtier ceux qui ont trempé leurs mains dans le sang des innocents. »
Constatant que ses supplications ne suscitaient qu’une réponse froide, Little Crow comprit que tout espoir de paix s’était envolé, à moins de se résoudre à une minable capitulation. Et en cas de défaite face aux soldats, ne resterait plus aux Sioux Santees que la mort ou l’exil.
Le 22 septembre, des éclaireurs signalèrent que les soldats de Sibley avaient établi un campement à Wood Lake. Little Crow décida alors de les attaquer avant qu’ils n’atteignent la Yellow Medicine.
Comme ils l’avaient fait à Birch Coulee, les Santees tendirent discrètement une embuscade aux soldats. Reprenons le témoignage de Big Eagle. « Tous nos chefs et nos meilleurs guerriers étaient là, dit-il. Nous sentions bien que cette bataille serait décisive (…). Nous les [les soldats] entendions rire et chanter. Les préparatifs finis, Little Crow et moi ainsi que d’autres chefs nous sommes installés sur une sorte de petite colline à l’ouest, afin de pouvoir mieux observer les combats lorsqu’ils commenceraient.
« Au matin, un incident est venu gâcher tous nos plans. Pour une raison que j’ignore, Sibley a tardé à se mettre en route, ce à quoi nous ne nous attendions pas. Embusqués, nos hommes patientaient. Certains se trouvaient tout près des lignes de camp dans le ravin, sans que les Blancs soupçonnent le moins du monde leur présence. Je ne pense pas qu’ils auraient découvert notre piège. Le soleil était levé depuis assez longtemps quand nous avons vu des soldats quitter le camp avec quatre ou cinq chariots et prendre la direction de la vieille agence de la Yellow Medicine. Plus tard, nous avons appris qu’ils allaient déterrer des pommes de terre à l’agence, à huit kilomètres de là, et ce, sans qu’on leur en ait donné l’ordre. Ils ont débouché sur la prairie, à l’endroit précis où certains de nos hommes se trouvaient. Quelques-uns des chariots s’étaient écartés de la route, et s’ils avaient poursuivi leur chemin tout droit, ils auraient roulé sur nos hommes cachés dans l’herbe. Les soldats sont arrivés si près que les nôtres ont été obligés de se lever et de leur tirer dessus. Et bien sûr, c’est cela qui a déclenché les combats, mais pas vraiment comme nous l’avions prévu. Little Crow n’a pas du tout aimé la tournure prise par les événements.
« Nos combattants se sont bien défendus, mais plusieurs centaines des nôtres n’ont pas pris part à la bataille et n’ont pas tiré un seul coup de feu. Ils étaient trop loin. Ce sont surtout les guerriers se trouvant dans le ravin ou faisant la connexion avec ceux qui étaient postés le long de la route qui se sont le plus battus. Les hommes qui, comme nous, étaient sur la colline ont fait tout leur possible, mais ils ont vite été repoussés. C’est là que Mankato est tombé, et avec lui nous avons perdu un chef de guerre valeureux et très doué. Il était allongé par terre et a été atteint dans le dos par un boulet tiré de si loin qu’il n’y avait pas pris garde. Les Blancs ont chargé, chassant nos hommes du ravin, et c’est ainsi que les combats ont cessé. Nous avons battu en retraite de façon quelque peu désordonnée, bien que les Blancs n’aient montré aucune intention de nous pourchasser. Nous avons traversé une vaste prairie, sans que leurs cavaliers nous suivent. Quatorze ou quinze de nos hommes sont tombés. Un certain nombre de nos guerriers ont été blessés, dont quelques-uns sont morts plus tard, mais j’ignore combien. Nous avons laissé les corps des victimes sur place et emporté nos blessés. Les Blancs ont scalpé tous nos morts – du moins à ce que l’on m’a dit. » (Après que les soldats eurent mutilé les Santees morts, Sibley déclara ce genre d’action interdit : « En aucun cas les corps des morts, fussent-ils ceux de sauvages hostiles, ne seront soumis à de telles indignités par des hommes civilisés et chrétiens. »)
Le soir même, les chefs santees tinrent conseil dans leur camp à une quinzaine de kilomètres au-dessus de la Yellow Medicine. La plupart
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