Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
des plumes d’aigle sur leurs têtes et utilisaient tellement de mots sioux que ceux du Sud avaient du mal à les comprendre. Morning Star, l’un de leurs chefs les plus importants, avait vécu si longtemps et chassé si souvent avec les Sioux que presque tout le monde l’appelait de son nom sioux, Dull Knife.
Au début, les Cheyennes du Sud s’installèrent à environ trois cents mètres de leurs cousins, mais étant donné les allers-retours incessants entre les deux campements, il fut finalement décidé de se rapprocher et, comme autrefois, de planter les tipis en cercle, en regroupant chaque clan. À compter de ce jour, les Cheyennes ne firent pratiquement plus de distinction entre tribu du Nord et tribu du Sud.
Au printemps 1865, lorsqu’ils emmenèrent leurs mustangs au bord de la Tongue River où les pâturages étaient meilleurs, les Cheyennes installèrent leur campement près de celui des Sioux Oglalas de Red Cloud. Il y avait là plus de huit mille Indiens. Jamais les Cheyennes du Sud n’avaient vu un tel regroupement de tipis. Chasses, danses, cérémonies et fêtes se succédaient jour et nuit. George Bent devait plus tard raconter comment il fit entrer Young-Man-Afraid-of-His-Horses, un Sioux, dans son clan cheyenne, celui des Crooked Lances (les Lances Tordues). Cela montre à quel point les Sioux et les Cheyennes étaient devenus proches.
Même si chaque tribu conservait ses propres lois et coutumes, ces Indiens en étaient venus à se considérer comme le peuple unique, sûr de son pouvoir et de son droit à vivre comme il l’entendait. Il y avait certes la menace d’une invasion des Blancs à l’est, dans le Dakota, et au sud, le long de la Platte, mais ils étaient prêts à faire face à tous les dangers. « Le Grand Esprit a fait naître l’homme blanc et l’Indien, déclara Red Cloud, mais je pense qu’il a fait naître l’Indien en premier. Il m’a fait naître dans ce pays, et celui-ci m’appartient. L’homme blanc est né de l’autre côté des grandes eaux, et son pays se trouve là-bas. Depuis qu’ils ont traversé la mer, je leur ai laissé de la place. Et maintenant, je suis entouré de Blancs. Il ne me reste plus qu’un petit morceau de terre. Le Grand Esprit m’a dit de le conserver. »
Pendant tout le printemps, les Indiens envoyèrent des éclaireurs observer les soldats qui gardaient les voies de communication et les lignes de télégraphe le long de la Platte. Ils étaient beaucoup plus nombreux que d’habitude, et certains allaient même jusqu’à emprunter la piste Bozeman (15) en direction du nord, traversant ainsi la vallée de la Powder. Il était temps, décidèrent Red Cloud et les autres chefs, de leur donner une bonne leçon. Il fallait les attaquer au point le plus septentrional qu’ils avaient atteint, à un endroit que les Blancs appelaient Platte Bridge Station.
Les guerriers cheyennes du Sud, désireux de venger la mort de leurs familles massacrées à Sand Creek, furent presque tous invités à faire partie de l’expédition, avec Roman Nose, du clan des Crooked Lances, à leur tête, les autres chefs étant Red Cloud, Dull Knife et Young-Man-Afraid-of-His-Horses. L’armée ainsi constituée rassemblait pratiquement trois mille braves, parmi lesquels les frères Bent, en grande tenue de guerriers, le corps et le visage peints.
Le 2 juillet, les Indiens atteignirent les collines dominant le pont de la North Platte. De l’autre côté de la rivière se trouvait le poste militaire – un fortin avec une centaine de soldats, une station de diligences et un bureau du télégraphe. Après avoir observé les lieux aux jumelles, les chefs prirent la décision de brûler le pont, de traverser la rivière à un gué plus en aval, puis d’assiéger le fortin. Mais tout d’abord, ils voulaient attirer les soldats dehors pour en tuer le plus possible.
Dans l’après-midi, dix guerriers s’approchèrent, en vain, les soldats se terrant derrière leur palissade. Le lendemain matin, un autre groupe parvint à les attirer jusqu’au pont, mais les Blancs n’allèrent pas plus loin. Le troisième jour, les Indiens virent à leur grande surprise un peloton de cavaliers sortir du fortin, traverser le pont, puis se diriger vers l’ouest au trot. En quelques secondes, des centaines de Cheyennes et de Sioux enfourchèrent leurs mustangs et, descendant des collines, fondirent sur les Tuniques Bleues. « Au moment où nous arrivions sur les soldats,
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