Essais sceptiques
Day
, du 14 juillet,
Officers’ Training Corps
, etc., on fait tout pour donner aux jeunes garçons le goût de l’homicide, et aux jeunes filles la conviction que les hommes voués à l’homicide sont les plus dignes de respect. Tout ce système de dégradation morale auquel on expose des enfants innocents serait impossible si les autorités permettaient la liberté d’opinion aux professeurs et aux élèves.
L’enregimentement est la source du mal. Les autorités de l’instruction publique ne considèrent pas les enfants comme la religion devrait les considérer, c’est-à-dire comme des êtres humains dont l’âme doit être sauvée. Elles les considèrent comme une matière pour des plans sociaux grandioses : des futures « mains » dans les usines ou des « baïonnettes » dans la guerre ou je ne sais quoi encore. Personne n’est apte à être éducateur s’il ne comprend pas que l’élève est un but en lui-même, qui a ses droits à lui et sa personnalité à lui, qui n’est pas simplement une pièce d’un casse-tête chinois, ou un soldat dans un régiment, ou un citoyen dans un État. La vénération pour la personnalité humaine est le commencement de la sagesse dans tout problème social, mais avant tout, dans l’éducation.
XV
PSYCHOLOGIE ET POLITIQUE
JE ME propose d’examiner dans cet essai les effets que la psychologie peut avoir, dans un avenir proche, sur la politique. Je parlerai de bons effets qui sont possibles et de mauvais effets qui sont probables.
Les opinions politiques ne sont pas fondées sur la raison. Même dans une affaire aussi technique que la reprise de l’étalon-or, on s’est guidé surtout par le sentiment, et, selon la psychanalyse, il ne faut pas mentionner le sentiment en question dans une société de gens bien élevés. Or, les sentiments d’un homme adulte se composent d’un noyau d’instincts entouré d’une vaste enveloppe d’éducation. Une des manières dont l’éducation agit sur nous est son influence sur l’imagination. Chacun voudrait se croire un homme excellent, ses efforts et ses illusions sont donc influencés par ce qu’il considère comme le meilleur moyen d’y arriver. Je pense que l’étude de la psychologie peut changer notre conception de l’« homme excellent » ; s’il en est ainsi, il est évident qu’elle aura un effet considérable sur la politique. Je doute que quelqu’un qui a appris la psychologie moderne pendant sa jeunesse puisse ressembler tout à fait à feu lord Curzon ou à l’actuel évêque de Londres.
N’importe quelle science peut avoir deux sortes d’effets. D’une part, des savants peuvent faire des inventions ou des découvertes que les tenants du pouvoir peuvent utiliser. D’autre part, la science peut influencer l’imagination et modifier ainsi les rapports et les espoirs des hommes. Il existe encore, strictement parlant, une troisième sorte d’effets, notamment un changement de la manière de vivre et toutes les conséquences de ce changement. Pour ce qui est des sciences physiques, toutes les trois sortes d’effets existent actuellement, d’une manière évidente. La première est illustrée par les avions, la seconde par la conception mécaniste de la vie, la troisième par la substitution, chez une grande partie de la population, de l’industrie et de la vie urbaine à l’agriculture et à la vie à la campagne. Mais pour ce qui est de la psychologie, la plupart de ses effets sont encore matière à prophétie. Les prophéties sont toujours téméraires, mais elles le sont beaucoup plus quand il s’agit de la première et la troisième sorte d’effets que lorsqu’il s’agit de ceux qui dépendent d’un changement de la conception imaginative. Je parlerai donc principalement et d’abord des effets de cette dernière sorte.
Quelques mots à propos d’autres périodes historiques nous aideront peut-être à créer l’atmosphère. Au Moyen Âge, toutes les questions politiques étaient déterminées par des raisonnements théologiques, qui avaient pris la forme d’analogies. La querelle dominante était celle entre le pape et l’empereur ; on reconnut finalement que le pape était le Soleil et l’empereur, la Lune ; ce fut donc le pape qui gagna. Il serait erroné d’alléguer que le pape gagna parce qu’il avait une armée meilleure ; il eut son armée grâce au pouvoir persuasif de l’analogie du soleil et de la lune, telle qu’elle était mise en avant par les
Weitere Kostenlose Bücher