Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
Vom Netzwerk:
Ce que nous pouvons emprunter à la psychanalyse, c’est l’idée que, dans l’action, les hommes poursuivent divers buts qu’ils ne désirent pas consciemment et qu’ils ont une série auxiliaire de croyances irrationnelles qui leur permettent de poursuivre ces buts sans le savoir. Mais la psychanalyse orthodoxe a simplifié à l’excès nos buts inconscients qui sont nombreux et qui diffèrent d’une personne à l’autre. Il faut espérer qu’on arrivera bientôt à comprendre les phénomènes sociaux et politiques de ce point de vue et qu’on jettera ainsi de la lumière sur la nature humaine moyenne.
    La domination de soi et la prohibition extérieure des actes nocifs ne sont pas des méthodes suffisantes pour diriger nos instincts anarchiques. La raison de leur insuffisance vient de ce que ces instincts sont capables d’autant de déguisements que le Diable dans les légendes moyenâgeuses, et certains de ces déguisements trompent même le psychologue. La seule méthode adéquate serait de découvrir quels sont les besoins de notre nature instinctive et de chercher à la satisfaire de la manière la plus inoffensive. Puisque la chose qui est la plus écrasée par les machines est la spontanéité, la seule chose qu’on peut
créer
à sa place, ce sont des occasions pour l’initiative individuelle de s’exercer librement. Bien entendu, cela reviendrait cher ; mais les dépenses seraient encore incomparablement plus petites que celles d’une guerre. La compréhension de la nature humaine doit être à la base de toute réforme de la vie des hommes. La science a fait des miracles en maîtrisant les lois du monde physique, mais jusqu’ici nous comprenons beaucoup moins bien les lois de notre propre nature que celles des étoiles et des électrons. Quand la science arrivera à comprendre la nature humaine, elle sera en mesure d’apporter dans nos vies un bonheur que les machines et les sciences physiques n’ont pas réussi à créer.

VII
LE BEHAVIOURISME (8) ET LES VALEURS
    DANS UNE revue scientifique américaine, j’ai lu une fois l’affirmation qu’il n’existe qu’un seul behaviouriste dans le monde ; j’ai nommé le D r Watson. Moi, je dirai qu’il y en a autant que d’hommes à l’esprit moderne. Cela ne veut pas dire qu’on les trouve fréquemment aux universités, ni que je suis moi-même un behaviouriste, – car depuis le jour où j’ai vu la Russie et la Chine, je me suis rendu compte que je ne suis pas à la page. Mais une attitude critique objective envers moi-même m’oblige à reconnaître qu’il vaudrait mieux que j’en fusse un. Dans cet essai, je veux mettre en avant certaines difficultés qu’éprouvent des personnes comme moi qui, tout en acceptant le côté moderne de la science, ne peuvent pas se débarrasser facilement de l’influence moyenâgeuse pour ce qui est des valeurs de la vie. Je veux rechercher non seulement quelles sont les conséquences logiques du behaviourisme sur les valeurs, mais quel serait son effet probable sur des hommes et femmes moyens s’il était largement répandu sous une forme nécessairement grossière. On n’en raffole pas encore comme du freudisme ; mais si jamais cela arrive, sa forme populaire sera sans doute bien différente de l’enseignement de Watson, aussi différente qu’est le freudisme populaire de la doctrine de Freud.
    La version populaire du behaviourisme ressemblera, j’imagine, à ceci : autrefois, on admettait l’existence d’une chose appelée l’esprit qui était capable de trois formes d’activité : le sentiment, la connaissance et la volonté. Actuellement, il est prouvé qu’il n’existe rien de pareil, mais que la seule chose qui existe est le corps. Toutes nos activités se ramènent à des processus corporels. « Le sentiment » se réduit à des phénomènes viscéraux, en particulier ceux qui sont en rapport avec les sécrétions des glandes. « La connaissance », ce sont des mouvements du larynx. « La volonté », ce sont tous les autres mouvements contrôlés par les muscles volontaires ou inversés. Quand, récemment, un célèbre intellectuel se maria avec une célèbre danseuse, quelques-uns exprimèrent des doutes sur la conformité de leurs caractères. Mais du point de vue behaviouriste, un tel doute est déplacé. Elle avait cultivé les muscles des jambes et des bras, lui, les muscles du larynx, si bien que tous deux étaient des acrobates, mais ils appartenaient à deux

Weitere Kostenlose Bücher