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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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branches différentes de ce métier ! Puisque la seule chose que nous puissions faire est de mouvoir nos corps, les fidèles populaires de cette religion jugeront probablement que nous devrions nous mouvoir le plus possible. Cela fera naître des difficultés en ce qui concerne la relativité du mouvement. Les différentes parties du corps devraient-elles se mouvoir relativement l’une à l’autre ? Ou le corps entier devrait-il se mouvoir relativement au véhicule où il se trouve lui-même ? Ou peut-être le critère de la vertu serait le mouvement relatif à la terre ? Dans le premier cas, l’idéal d’un homme serait un acrobate ; dans le second, l’homme qui monte à toute vitesse un escalier roulant qui descend ; dans le troisième, l’homme qui passe sa vie en avion. Il n’est pas facile de décider par quel principe on jugera les controverses qui vont ainsi naître, mais, tout compte fait, je voterai pour les aviateurs.
    Quand nous nous rendons compte des conceptions de la vertu humaine qui règne dans les classes les plus puissantes des pays les plus puissants, nous sommes amenés à conclure que le behaviourisme ne fait que fournir une justification théorique pour ce qu’on croit déjà. L’acrobate devrait être l’idéal de ceux qui croient à la culture physique et qui estiment que la virilité d’une nation dépend du développement de son athlétisme, – opinion qui règne dans la classe gouvernante anglaise. L’homme qui monte en courant un escalier roulant qui descend devrait être le
beau idéal
(9) des Chrétiens musculeux qui considèrent le développement du muscle comme le bien suprême, pourvu qu’il n’y entre aucun élément de plaisir. C’est cette opinion que la Y.M.C.A. (10) essaie d’inculquer en Chine et que nos gouvernants considèrent comme appropriée à toutes les races et classes inférieures. L’aviateur représente un idéal plus aristocratique, réservé à ceux qui se servent du pouvoir mécanique. Mais au-dessus et en dehors d’eux tous, il existe une conception suprême qui rappelle le moteur immobile d’Aristote ; c’est celle du gouvernant qui se repose au centre, pendant que tout le reste tourne autour de lui à des vitesses différentes en lui assurant ainsi le maximum de mouvement
relatif.
Ce rôle est réservé à nos surhommes, en particulier, à nos financiers.
    Or, il existe une conception toute différente de la perfection humaine qui nous vient de la Grèce et du Moyen Âge, mais qui cède graduellement le pas à la conception née de la domination des machines sur l’imagination. Je crois que cette conception ancienne est logiquement conciliable avec le behaviourisme, mais non
psychologiquement
, pour ce qui est du comportement du citoyen moyen. Cette conception ancienne considère le sentiment et la connaissance comme aussi importants que l’action ; pour elle, l’art et la contemplation sont aussi admirables que le déplacement des grandes quantités de matière dans l’espace. Les Chérubins aiment Dieu et les Séraphins le contemplent, et c’est en cela que consiste leur suprême perfection. Tout cet idéal est statique. Il est vrai qu’au ciel on chante des hymnes et qu’on joue de la harpe, mais chaque jour, ce sont les mêmes hymnes, et on ne tolère aucun perfectionnement dans la construction des harpes. Une telle existence ennuie l’homme moderne. Une des raisons pour lesquelles la théologie a perdu son ascendant est qu’elle n’a pas réussi à fournir au ciel des machines perfectionnées, bien que Milton en ait garni l’enfer.
    On peut considérer comme acquis que tout système éthique est basé sur un certain
non sequitur.
Le philosophe commence par inventer une fausse théorie sur la nature des choses, et il en déduit que les actions mauvaises sont celles qui démontrent la fausseté de cette théorie. Prenons d’abord le chrétien traditionnel : il allègue que, puisque tout obéit à la volonté de Dieu, le mal consiste en la désobéissance à la volonté de Dieu. Puis, l’Hégélien : il avance que l’univers est composé de parties qui s’harmonisent pour former un organisme parfait ; le mal consiste donc dans une conduite qui diminue cette harmonie, bien qu’il soit difficile de comprendre comment une telle conduite est possible, puisque l’harmonie complète est métaphysiquement nécessaire. Bergson, qui écrit pour le public français, suspend sur ceux dont les actes le réfutent une menace

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