Essais sceptiques
par conséquent dicter les conditions de l’exportation et de l’importation. Ainsi, ce système a été, dans ses parties essentielles, un système de socialisme international appliqué principalement au commerce extérieur, c’est-à-dire le domaine même qui cause les plus grandes difficultés aux socialistes politiques.
Ce qui est frappant dans ce système, c’est qu’il a été introduit sans mécontenter les capitalistes. La politique du temps de guerre devait à tout prix éviter de mécontenter une partie importante de la population. Par exemple, au moment des plus grandes restrictions des transports maritimes, on a admis qu’il fallait plutôt diminuer la quantité de munitions que celle des vivres, de peur de provoquer du mécontentement dans la population civile. Il aurait été très dangereux de provoquer l’hostilité des capitalistes et en fait toute la transformation a été effectuée sans frictions sérieuses. On ne pensait pas : telle ou telle classe d’hommes est méchante et il faut la punir. Mais on pensait : le système du temps de paix est inefficace et il faut établir un nouveau système avec un minimum de privations pour tout le monde. Sous la menace du danger national, il n’a pas été aussi difficile d’obtenir le consentement pour les mesures considérées comme nécessaires par le gouvernement qu’il ne l’aurait été en temps ordinaire. Mais même en temps ordinaire le consentement aurait été plus facile si les mesures avaient été présentées comme des nécessités administratives plutôt que comme résultant de la lutte des classes.
L’expérience administrative de la guerre semble montrer qu’on peut obtenir la plupart des avantages espérés par le socialisme grâce au contrôle gouvernemental des matières premières, du commerce extérieur et des banques. Cette conception a été développée par Lloyd, dans son livre de grande valeur sur la
Stabilisation.
On peut la considérer comme un pas en avant dans l’analyse scientifique du problème que nous devons à l’expérience imposée par la guerre aux fonctionnaires civils.
Dans le livre de Sir Arthur Salter, une des parties les plus intéressantes du point de vue pratique est son analyse de la méthode de coopération internationale qui s’est avérée la plus efficace. La manière de procéder ne consistait pas à faire examiner chaque question par chaque pays séparément et de se servir ensuite de représentants diplomatiques pour s’assurer le plus d’avantages possibles en marchandant avec les autres puissances. Le plan adopté créait pour chaque question son comité international d’experts, si bien qu’il y avait des conflits non entre les nations, mais entre les denrées. La commission du blé pouvait lutter contre la commission du charbon, etc. ; mais les recommandations de chacune résultaient d’une délibération entre les représentants des puissances alliées. C’était presque du syndicalisme international, sauf pour ce qui est de l’autorité souveraine du Conseil supérieur de la Guerre. La morale à tirer de ce fait est qu’un internationalisme efficace devra organiser séparément chaque fonction et non se borner à créer un organisme international suprême pour accorder les exigences des organismes purement nationaux en conflit les uns avec les autres.
N’importe quel lecteur de Salter peut se rendre compte immédiatement qu’un gouvernement international pareil à celui qui fonctionnait pendant la guerre entre les Alliés, augmenterait le bien-être matériel, spirituel et moral de presque toute la population du globe, si on pouvait l’établir universellement… en temps de paix. On ne porterait pas préjudice aux propriétaires d’entreprises ; en effet, on pourrait facilement leur accorder une pension perpétuelle égale à leurs profits moyens pendant les trois dernières années. Un tel système empêcherait le chômage, la peur de la guerre, la misère, la sous-production et la surproduction. Le livre de Lloyd discute ce problème et les méthodes pour les résoudre. Et pourtant, malgré ces avantages évidents et universels, la perspective d’une telle réalisation est plus lointaine même que l’établissement universel du socialisme révolutionnaire. Le plus grand obstacle au socialisme révolutionnaire est qu’il soulève trop de résistances ; l’obstacle du socialisme des fonctionnaires civils est qu’il ne trouve pas assez de partisans. La
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