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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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malhonnêtes peuvent moins faire de mal que les honnêtes.
    Le concept du « politicien honnête » n’est pas tout à fait simple. La définition la plus tolérante serait : celui dont l’activité politique n’a pas pour objet l’augmentation de ses propres revenus. Dans ce sens, M. Lloyd George est honnête. Dans un sens un peu plus étroit, ce serait l’homme dont les actions politiques ne sont pas dictées par le désir d’assurer ou de sauvegarder son propre pouvoir. Dans ce sens, lord Grey est un politicien honnête. Le sens le plus restreint de ce mot est : quelqu’un qui, dans son activité publique, n’est pas seulement désintéressé, mais encore ne tombe pas beaucoup au-dessous du niveau de véracité et d’honneur qu’on considère comme nécessaire entre des relations. Dans ce sens, feu lord Morley a été un politicien honnête ; du moins, il a toujours été honnête et il est resté politicien jusqu’à être rejeté de la politique à cause de son honnêteté. Mais même un politicien honnête dans le meilleur sens de ce mot peut encore être très nuisible ; on peut citer comme exemple George III. La stupidité et la partialité inconscientes font souvent plus de mal que la vénalité. De plus, nulle démocratie ne tolérera un politicien honnête à moins qu’il soit très stupide, comme feu le duc de Devonshire ; car ce n’est qu’un homme très stupide qui peut honnêtement partager les préjugés de plus de la moitié de la nation. C’est pourquoi quiconque est doué et a l’esprit civique en même temps doit être hypocrite s’il veut réussir en politique ; mais l’hypocrisie finira par détruire son esprit civique.
    Il est évident qu’on pourrait pallier les maux de la forme actuelle de la démocratie en encourageant les fonctionnaires civils à faire preuve de plus d’initiative et à donner plus de publicité à leurs idées. Ils devraient avoir le droit, et parfois le devoir, de rédiger des projets de loi en leur propre nom et d’exposer publiquement des arguments en leur faveur. Les Finances et le Travail tiennent déjà des conférences internationales, mais ils devraient beaucoup étendre cette méthode et créer un secrétariat international dont l’objet serait d’examiner perpétuellement des réformes à préconiser simultanément dans différents pays. Les agriculteurs du monde entier devraient se rencontrer pour avoir des négociations directes et adopter une politique commune. Et ainsi de suite. Il n’est ni possible ni désirable de se passer des parlements démocratiques, car pour qu’une mesure réussisse, elle doit, une fois les opinions des experts discutées et répandues, être telle qu’elle se recommande d’elle-même au citoyen moyen. Mais, actuellement, dans la plupart des cas, le citoyen ordinaire ne connaît pas l’opinion des experts et il n’existe que peu d’instruments pour établir leur opinion collective ou celle de la majorité d’entre eux. Si des mesures étaient proposées par des experts, après des délibérations internationales, elles se mettraient au travers de la politique des partis, et on verrait qu’elles impliqueraient beaucoup moins de division dans l’opinion publique qu’on ne le croit maintenant nécessaire. Je crois, par exemple, que la finance internationale et le travail international, s’ils pouvaient triompher de leur méfiance mutuelle, pourraient actuellement se mettre d’accord sur un programme que les parlements nationaux mettraient plusieurs années à réaliser et qui améliorerait le monde considérablement. S’ils marchaient ensemble, on pourrait difficilement leur résister.
    Les intérêts communs de l’humanité sont nombreux et importants, mais notre système politique actuel les obscurcit à cause de la bataille continuelle pour le pouvoir entre les différents partis et les différentes nations. Un nouveau système qui ne nécessite pas des changements légaux ou constitutionnels et pas très difficile à créer, pourrait miner la force des passions nationales et des partis et concentrer l’attention sur des mesures avantageuses pour tout le monde plutôt que sur celles qui sont nuisibles pour les ennemis. Je pense que c’est plutôt par ce moyen-là que par le gouvernement des partis chez nous et la diplomatie du
Foreign Office
à l’étranger qu’on peut parer aux périls qui menacent actuellement la civilisation. L’intelligence et la bonne volonté ne manquent

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