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Essais sceptiques

Essais sceptiques

Titel: Essais sceptiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Russell
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l’élève moyen. Quand il devint maître principal, il découvrit que seuls certains garçons choisis devaient chanter au chœur de la chapelle ; on les entraînait, et les autres écoutaient. Sanderson exigea que tout le monde chantât, qu’ils fussent doués ou non pour la musique. En agissant ainsi il s’élevait au-dessus de la tendance si naturelle pour un maître d’école qui s’occupe davantage de son honneur que de ses élèves. Naturellement, si nous accordions les honneurs d’une manière sage, il n’y aurait pas de conflit entre ces deux motifs : l’école qui ferait le plus de bien aux élèves récolterait le plus d’honneur. Mais dans un monde affairé, des succès de scène obtiendront toujours plus d’honneur qu’ils ne le méritent, si bien qu’on évitera à peine un certain conflit entre les deux motifs.
    Parlons maintenant du point de vue des parents. Il varie avec sa base économique : le salarié moyen a des désirs tout à fait différents de ceux d’un homme exerçant une profession libérale. Le salarié moyen désire que ses enfants aillent à l’école le plus tôt possible, pour n’en être pas embarrassé chez lui ; il désire aussi les sortir de l’école aussitôt que possible, pour profiter de leur travail. Récemment, le gouvernement britannique avait décidé de diminuer le budget de l’éducation et il proposa de ne pas envoyer les enfants à l’école avant l’âge de six ans et à ne pas obliger d’y rester après treize. La première proposition causa une telle protestation populaire, qu’il fallut l’abandonner : l’indignation des mères gênées (récemment affranchies) fut irrésistible. La seconde proposition qui baissait la limite d’âge des enfants qui devaient quitter l’école, ne fut pas impopulaire. Les candidats au Parlement qui parlaient en faveur d’une meilleure éducation recueillaient les applaudissements unanimes de ceux qui venaient aux
meetings
, mais en parcourant le pays pour solliciter des votes, ils découvraient que les salariés apolitiques (qui sont la majorité) désiraient que leurs enfants fussent libres, pour trouver du travail payé le plus tôt possible. Ne font exception à cette règle que ceux qui espèrent que leurs enfants peuvent s’élever sur l’échelle sociale grâce à une éducation meilleure.
    L’attitude des professions libérales est différente. Leur revenu à eux dépend du fait qu’ils ont eu une éducation meilleure que la moyenne, et ils désirent transmettre cet avantage à leurs enfants. Dans ce but, ils sont prêts à faire de grands sacrifices. Mais dans notre société basée sur la concurrence, les parents moyens ne désireront pas une éducation bonne en elle-même, mais une éducation qui sera meilleure que celle des autres. On peut y arriver plus facilement en maintenant bas le niveau général ; nous ne pouvons donc pas nous attendre à ce que ceux qui exercent des professions libérales soient enthousiasmés à propos des facilités d’une éducation supérieure pour les enfants des salariés. Si n’importe qui pouvait obtenir une instruction médicale, si pauvres que soient ses parents, il est évident que les médecins gagneraient moins qu’actuellement, à cause de la plus grande concurrence et de la meilleure santé publique. La même chose s’applique au droit, à la bureaucratie, etc. Ainsi, les bonnes choses que les parents appartenant aux professions libérales désirent pour leurs enfants, ils ne les désirent pas pour la grande masse de la population, à moins d’être doués d’un esprit civique exceptionnel.



Le principal défaut des pères dans notre société basée sur la concurrence, est leur désir que leurs enfants soient pour eux un objet de fierté. C’est un désir qui a ses racines dans l’instinct, et on ne peut le guérir que par des efforts spécialement dirigés dans ce but. Le même défaut existe aussi, bien qu’à un moindre degré, chez les mères. Nous sentons tous instinctivement que les succès de nos enfants jettent une certaine gloire sur nous-mêmes, tandis que leurs échecs nous donnent un sentiment de honte. Malheureusement, les succès qui nous gonflent d’orgueil sont souvent d’un genre peu désirable. Depuis l’aube de la civilisation jusque presque à notre époque – et encore maintenant en Chine et au Japon – les parents sacrifiaient le bonheur de leurs enfants dans le mariage en leur imposant la personne qu’ils

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