Essais sceptiques
éloges. Il est douteux qu’on ait besoin de plus de choses à n’importe quelle autre phase de l’éducation.
Ce qui est nécessaire, c’est de faire comprendre à l’enfant ou à la jeune personne que la science est digne d’être acquise. Quelquefois c’est difficile, parce qu’en fait telle ou telle science n’est pas digne d’être acquise. C’est aussi difficile quand un grand nombre seulement de connaissances dans un certain domaine peut être utile, si bien qu’au début l’élève tend à simplement s’ennuyer. Prenez, par exemple, l’enseignement des mathématiques. Sanderson of Oundle découvrit que presque tous ses élèves s’intéressaient aux machines, et il leur donna les moyens de fabriquer eux-mêmes des machines assez compliquées. Au cours de ce travail pratique, ils se trouvèrent devant la nécessité de faire des calculs et ainsi ils prirent un grand intérêt aux mathématiques en tant qu’ils en avaient besoin pour réussir les constructions qu’ils avaient à cœur de réussir. Cette méthode est chère et demande de la patience et de l’habileté de la part du professeur. Mais elle suit l’instinct de l’élève et implique probablement moins d’ennui, tout en demandant un plus grand effort intellectuel. L’effort est une chose naturelle pour les hommes et pour les animaux, mais ce doit être un effort pour lequel il existe un stimulant instinctif. Un match de football demande plus d’effort qu’une solide correction, pourtant le premier est un plaisir et l’autre, une punition. Il est faux de supposer que l’effort mental ne peut être que rarement un plaisir ; ce qui est vrai, c’est que certaines conditions doivent être réalisées afin de le rendre plaisant et que, jusqu’à ces derniers temps, aucun effort n’a été fait pour créer ces conditions dans l’éducation. Les principales sont : premièrement, un problème dont on désire la solution ; ensuite, un sentiment d’espoir en la possibilité de le résoudre. Prenons, par exemple, la manière dont on enseignait l’arithmétique à David Copperfield :
« Même quand les leçons sont sues, le pire doit encore arriver sous la forme d’une addition terrifiante. On l’a inventée pour moi, et elle m’est remise oralement par M. Murdstone ; il commence : « Si je vais dans une fromagerie et achète cinq mille doubles-fromages de Gloucester à quatre pence et demi chacun, argent comptant » – à ces mots je vois Miss Murdstone remplie d’une joie secrète. Je suis absorbé dans ces fromages jusqu’au dîner, sans aucun résultat, sans trouver la moindre lueur ; enfin, quand je deviens mulâtre à force de faire pénétrer dans les pores de ma peau la saleté du tableau, on me donne une tranche de pain pour accompagner mes fromages, et je suis en disgrâce pour le reste de la soirée. »
Il est évident qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que le pauvre garçon prenne le moindre intérêt aux fromages, ou ait le moindre espoir de faire l’addition sans faute. S’il avait voulu une boîte de certaines dimensions, et si on lui avait dit d’économiser sur son argent de poche pour pouvoir acheter du bois et des clous, cela aurait stimulé ses facultés mathématiques d’une façon surprenante.
Il ne devrait y avoir rien d’hypothétique dans les additions qu’on fait faire aux enfants. Je me souviens d’une relation faite par un élève lui-même sur sa leçon d’arithmétique. La gouvernante lui a donné le problème suivant : « Si un cheval vaut trois fois plus cher qu’un poulain, et que le poulain vaut 22 livres, combien vaut le cheval ? – Est-il jamais tombé ?, a demandé le garçon. – Cela ne fait pas de différence, a répondu la gouvernante. – Oh, mais James (le groom) dit que cela fait une grande différence. »
Le pouvoir de comprendre des vérités hypothétiques est une des acquisitions les plus tardives de la faculté logique, et on ne devrait pas vouloir le trouver chez des enfants très jeunes. Cela n’est d’ailleurs qu’une digression que nous devons quitter pour revenir à notre sujet principal.
Je n’affirme pas qu’on peut exciter les intérêts intellectuels par des stimulants qui conviennent chez
tous
les enfants. Certains sont très au-dessous de l’intelligence moyenne et ils ont besoin d’un traitement spécial. Il est très peu indiqué de mettre dans une classe des enfants dont les capacités mentales diffèrent beaucoup :
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