Eugénie et l'enfant retrouvé
sous ses yeux.
Elle esquissa l’ombre d’un sourire en guise de réponse, puis énonça à haute voix :
— Mademoiselle, cela devient ridicule. A l’hôpital, on me forçait à marcher un peu tous les jours, et là vous entendez me faire monter dans ma chambre à l’horizontale.
L’impatience du ton et la colère dans les yeux rassurèrent l’époux. Elle avait bien récupéré depuis l’opération, trois semaines plus tôt.
— Madame Dupire, faire quelques pas pour aller aux toilettes est une chose. Gravir un escalier, une autre.
Elle chercha le maître de la maison des yeux, puis demanda :
— J’ai bien compris, la chambre de notre patiente se trouve en haut ?
— Oui, au bout de cet escalier, vous allez vers l’arrière de la maison.
L’inconnue gravit l’escalier d’un pas rapide, claquant des talons sur les marches.
— Suivez-moi, messieurs, ordonna-t-elle.
Les deux ambulanciers échangèrent un sourire entendu.
— Je ne voudrais pas être son mari, dit l’un dans un souffle.
— Penses-tu ! Elle restera vieille fille.
— Je vous entends, fit une voix depuis l’étage. Et aussi, je vous attends.
Cette fois, ils rirent franchement. Les joues rouges d’indignation, Eugénie endura de «monter à l’horizontale».
En réalité, son corps fut hissé fortement incliné. Au moins, ils avaient pris la précaution de placer la tête vers le haut.
Le notaire entendit des échanges étouffés, puis les employés de l’hôpital descendirent avec leur civière maintenant inutile. Il leur donna un pourboire, ferma la porte dans leur dos, puis il se dirigea vers son ancienne chambre.
Sa femme était étendue sur un lit surélevé et étroit au fond de la pièce. L’infirmière actionnait la manivelle afin de la placer en position assise.
— Je suis certain que tu récupéreras mieux parmi nous, commenta-t-il.
— Ah ! Cette pièce a certainement des vertus magiques.
Au cours des dernières années, tu as paru y rajeunir.
Dommage que je n’y sois pas venue plus souvent. Avec un peu de chance, j’aurais peut-être évité mes... ennuis.
— Je te souhaite donc le même effet bénéfique.
L’homme gardait une voix posée, chaleureuse. La présence d’une étrangère dans la pièce empêchait tous les débordements. L’infirmière s’occupait de placer sur une petite table des médicaments et des pansements. Son client avait commandé le tout dans la pharmacie de la rue Cartier en se servant de la petite liste préparée à son intention.
— Mais cette chambre si bien aménagée ne te manquera pas ? questionna l’épouse, narquoise.
— Oui, bien sûr. Mais je veux bien consentir ce petit sacrifice pour servir ta guérison.
— Je ne voudrai peut-être plus reprendre la mienne, alors.
— Nous en discuterons en temps et lieu.
L’homme se tourna en direction de l’étrangère pour dire:
— J’ai du travail en bas. Je vous saurai gré de bien vouloir venir me rencontrer quand vous aurez une minute.
— Bien sûr. Je vais commencer par vérifier le pansement, après cette migration.
L’homme se retira. Si l’infirmière se surprenait de voir un couple si distant-ils ne s’étaient ni embrassés, ni même touchés -, elle n’en laissait rien paraître.
*****
Un coup léger sur la porte attira l’attention de Fernand.
— Oui, entrez, dit-il en revissant son stylo-plume.
Mademoiselle Murphy franchit le seuil. Il lui désigna l’un des fauteuils dans un angle de la pièce, puis vint la rejoindre bientôt.
— Ma femme est sans doute fatiguée, après ce déplacement.
— Oui, bien sûr. Peut-être un peu inquiète aussi de quitter la sécurité de l’hôpital. Mais la chaleur de la maison, un espace familier, favorisent habituellement la guérison.
— Nous sommes deux grandes personnes, n’est-ce pas ?
La jeune femme hocha doucement la tête.
— Alors je serai franc avec vous. Cette maison familiale n’est pas chaleureuse. Plus précisément, j’essaie de l’égayer un peu, mais mon épouse a un effet plutôt frigorifiant. Vous la rencontrez aujourd’hui pour la seconde fois. Vous vous êtes déjà fait une idée.
Le rose monta aux joues de la rousse.
— Elle paraît un peu... difficile, reconnut-elle.
— Au point où, il y a quelques années, j’ai préféré me retirer dans la pièce où elle s’est installée. Ma fille ne supportait plus cette tension, je l’ai mise au couvent pour éviter qu’elle ne tombe malade.
L’autre hocha
Weitere Kostenlose Bücher