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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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diverses circonstances, le plus souvent sur le parvis de la cathédrale de Québec.
    — Vous me paraissiez présenter une énergie peu commune, précisa-t-elle, dès le plus jeune âge. De mon côté, la même langueur m’habite depuis toujours.
    Thalie hocha la tête, prête à reconnaître la différence de leur tempérament.
    — Je vais maintenant palper votre abdomen.
    Eugénie leva les yeux au plafond, s’abandonna aux petits doigts inquisiteurs. L’omnipraticienne reconnut le tracé de la cicatrice sous le mince tissu de la chemise.
    — Vous n’avez pas ressenti de douleur, ces derniers temps ?
    — Elle a disparu en même temps que l’infirmière, mais je n’établis aucun lien entre les deux événements.
    La remarque s’accompagna d’un sourire narquois. La visiteuse s’amusa aussi de la répartie. Après un long silence, la femme demanda d’un ton plus bas :
    — Vous avez évoqué la difficulté à respirer. Si j’en éprouvais, cela serait annonciateur de quel type de complications ?
    — ... Tout à l’heure, vous m’avez dit la vérité ?
    Le médecin cessa son examen du ventre pour s’asseoir sur le bord du lit. Procéder à une consultation dans une chambre donnait à la rencontre une intimité particulière.
    — Oui, dit Eugénie. Je veux simplement savoir quels symptômes surveiller, pour savoir à quoi m’en tenir.
    Thalie fronça les sourcils. La cliente lui adressa un sourire penaud avant de continuer :
    — Je ne me suis jamais excusée pour ma réaction, à l’hôpital, lorsque vous m’avez annoncé la nouvelle. Je n’ai pas vraiment entendu vos paroles, alors. Aujourd’hui, ne craignez rien, parlez franchement, je ne risque pas de vous faire une nouvelle crise.
    — Je ne m’attendais à aucune excuse. Mon métier exige parfois que je me fasse porteuse d’un terrible diagnostic...
    — Et dans ce cas, les malades tirent sur le messager.
    — Cela arrive...
    En réalité, pareille éventualité se produisait rarement.
    Si les malheureuses demeuraient hébétées, elles préféraient d’habitude se rapprocher de la soignante, pas prendre leurs distances.

    — Alors, dites-moi, insista Eugénie. Je contrôlerai ma mauvaise humeur légendaire.
    — ... Si des cellules cancéreuses sont encore dans votre organisme, elles peuvent s’attaquer à votre foie, à vos poumons, à votre cerveau, à vos intestins.
    — L’un ou l’autre de ces organes, ou tous à la fois ?
    — La maladie se développe dans l’un d’eux, mais à la fin tous les cancers sont généralisés.
    La femme ferma les yeux un moment, serra les poings jusqu’à se faire mal aux jointures. Thalie en profita pour palper la région du foie. Le bout de ses doigts ne rencontra aucune masse.
    — Vous me tracez là un programme horrible, dit-elle dans un souffle.
    — Aussi longtemps que vous ne ressentez aucun symptôme, vous pouvez espérer que rien de cela ne se produira.
    — L’espoir fait vivre, dit son interlocutrice dans un ricanement. Je vous parlais tout à. l’heure de ma langueur comme d’une caractéristique personnelle. Je pourrais ajouter le pessimisme. Maintenant, je chercherai des symptômes, et chaque manifestation me paraîtra l’annonce d’une fin prochaine.
    Le médecin lui prit la main un moment, puis elle proposa :
    — Je peux vous prescrire des examens à l’hôpital. Mon stéthoscope et mes doigts sont moins fiables qu’une série de radiographies.
    — Pas tout de suite. Je tenterai d’abord d’apprivoiser...
    ces possibilités.
    Elle avait failli dire «ces certitudes». Thalie hocha la tête. Personne ne se réconciliait vraiment avec la mort. En connaître l’échéance ne la rendait certainement pas plus acceptable.

    — Vous devrez maintenant glisser sur le lit et mettre vos pieds sur le bord du matelas.
    — Ah ! Le plat de résistance de l’examen.
    L’omnipraticienne se pencha sur son sac en cuir pour récupérer son spéculum et de la gelée de pétrole. En levant la tête, elle découvrit sa patiente dans une posture un peu grotesque. Pour regarder l’intérieur du vagin, elle dut s’aider d’une petite lampe de poche.
    — Y a-t-il eu d’autres écoulements sanguins depuis l’opération ?
    — Non, même pas les règles. .
    Elle s’interrompit, puis se reprit:
    — Bien sûr, je n’ai pas de règles. Il ne reste rien dans mon ventre.
    — Et par l’anus, aucun saignement?
    — ... Non. Vous voulez dire qu’en cas de cancer de l’intestin, je

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