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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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dernier, sans plus.
    — Picard ne t’a rien dit ?
    Elle n’avait pas osé évoquer Fernand.
    — C’est pourtant une amie à toi.
    La phrase sonnait un peu comme un reproche.
    — Ce n’est pas une raison pour qu’elle me parle de ses patientes.
    Peu convaincue, Eugénie précisa :
    — Ils ont découvert un cancer des ovaires. Comme après plusieurs mois, je ne me sens pas vraiment plus forte, je suppose que la maladie s’est étendue.
    — Je suis si désolée. Souhaites-tu que je te fixe un rendez-vous avec le docteur Picard ?
    — Tu sais, dans ce domaine, comme en ce qui concerne les amours de Fernand, les soupçons valent peut-être mieux que les certitudes.
    Cette fois, un réel épuisement se peignit sur ses traits.
    La visiteuse prit cela comme un congédiement. En se levant, elle déclara :
    — Je vais te laisser te reposer, maintenant.
    — Tu peux m’aider à marcher jusqu’au lit ? Je vais somnoler un peu en attendant le repas du soir.
    — Bien sûr.
    Ses années de service à titre de réceptionniste de son père lui donnaient une certaine expérience de ce genre de situation. Elle allongea les deux mains pour l’aider à se lever, puis lui offrit son bras jusqu’à la couche. Sur le dos, Eugénie tourna son regard vers elle pour dire :
    — Je te remercie d’être venue. Dommage que nous nous soyons perdues de vue tout ce temps.
    — Nous avons toutes les deux eu nos familles à élever. Je suis franchement désolée pour ton état de santé, je t’assure.
    Elise n’osa pas se pencher pour l’embrasser. Elle se serait fait l’impression d’un Judas. Après une pression des doigts sur les siens, elle se leva pour quitter la pièce sans se retourner.
    En descendant l’escalier, elle regarda la porte fermée du bureau de Fernand. «Il doit être là, à travailler.» Impossible pourtant d’aller quêter son réconfort.

    *****
    L’air glacial sécha immédiatement les larmes à la commissure des
    yeux
    d’Elise.
    Quand
    elle
    s’engagea
    sur
    le
    trottoir, le bruit d’une porte de voiture ouverte et refermée capta son attention. Son amant la rejoignit.
    — Je vais marcher avec toi jusqu’à la Grande Allée.

    — Tu m’attendais depuis longtemps ?
    — Assez pour me geler les pieds.
    L’attention la toucha au cœur. Elle réprima difficilement la tentation de s’accrocher à son bras.
    — Passer une partie de l’après-midi dans ton auto a dû attirer l’attention.
    — Je m’en fous, tu sais.
    Ils ralentissaient le pas pour allonger un peu la conversation.
    — Comment fut cette rencontre ? enchaîna-t-il.
    — Horrible. Elle a commencé par me parler de tes...
    amours avec Jeanne. Elle souhaitait me rendre jalouse.
    — Non. Son esprit est plus tordu que cela.
    La femme leva les yeux vers son compagnon, dans l’attente de la suite.
    — Elle voulait t’amener à me mépriser. J’ai couché avec la bonne.
    — Elle a plutôt soulevé ma compassion, pour elle d’abord, mais aussi pour toi. Les années avant de trouver cette relation complice ont dû être terribles. Je connais ton sens moral.
    L’homme hocha la tête. Avoir cherché son malheur avec ce mauvais mariage rendait la situation plus difficile à supporter encore. Il avait fait la sourde oreille aux avertissements de ses parents.
    — Ce tête-à-tête me laisse tout de même bien malheureuse, convint Elise.
    Pour prolonger leur rencontre, ils continuèrent à l’ouest de la rue Claire-Fontaine. Tout à l’heure, le couple devrait revenir sur ses pas.
    — A cause de toutes les méchancetés jetées à ton visage ?
    suggéra Fernand.

    — À cause de mes propres coups bas. Pour mettre fin à ses sous-entendus, j’ai évoqué son bel officier anglais.
    — Oh!
    Comme commentaire, l’interjection suffisait. Lui mettre le nez sur son propre péché réduisait habituellement Eugénie au silence.
    — Je devine la suite. Soudainement, la pauvre s’est sentie très faible.
    — ... Au point de me demander de l’aider à regagner son lit.
    Elle s’arrêta sur le trottoir pour l’interroger, les yeux dans les siens :
    — Tu crois qu’elle joue la comédie, à propos de son état?
    — Le danger est bien réel. Mais elle repousse l’idée de passer de nouveaux examens.
    Pour la malade, le cancer était encore un moyen de manipuler les autres. Mais comme les rayons X pouvaient en faire une inéluctable réalité, elle préférait retarder l’échéance.
    — Nous allons rebrousser chemin, dit Elise. Je

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