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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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cet écolier a-t-il trouvé le chemin de ton étude ?
    — Ses parents ont été des clients. Tu le connais, il s’agit du fils de Fulgence, le fidèle employé des ateliers Picard.
    Comme le garçon a perdu son père en septembre, il cherche le moyen de gagner trois sous. Il a pensé à moi.
    Puisque sa femme risquait de l’apercevoir et de le reconnaître pour l’avoir croisé parfois lors des festivités offertes aux employés du commerçant, mieux valait expliquer sa présence.
    — Le jeune Létourneau... La dernière fois que je l’ai vu, il devait avoir huit ou neuf ans, un très joli garçon.
    C’était un peu étrange, il ne leur ressemblait pas du tout.
    Tu as dit que son père est décédé ?
    — À la fin de l’été dernier. J’ai vu cela dans le journal.
    Eugénie hocha la tête. A ce moment, ses propres inquiétudes sur sa santé ne l’incitaient pas à lire la rubrique nécrologique.
    — Dans les circonstances, commenta-t-elle, aller à l’université devient difficile pour lui.
    — Exactement. Comme je suis sans doute le seul notaire dont il ait entendu parler au cours de sa vie, il a pensé me demander du travail.
    Le heurtoir en bronze de la porte se fit entendre.
    — Le voilà.
    La domestique quitta la cuisine pour aller ouvrir, mais son patron l’arrêta dans le couloir en disant:
    — Merci, Gloria, je vais m’en occuper.
    Puis, l’homme se tourna vers le salon en disant :
    — A tout à l’heure.
    — Je crois que je vais monter tout de suite, dit Eugénie en se levant péniblement de son siège.
    Son mari allait lui proposer de l’aider quand les coups reprirent à la porte. Il décida d’aller répondre sans attendre.

    *****
Encore une fois, Jacques Létourneau contempla l’élégance austère
    du
    bureau.
    Pour
    cette
    nouvelle
    visite,
    il
    portait un complet bon marché. Son uniforme scolaire aurait paru juvénile pour la recherche d’un emploi.

    — Comme je vous le disais la dernière fois, j’ai demandé mon admission à la Faculté de droit. Cette semaine, une réponse positive m’est parvenue.
    En disant ces mots, le garçon sortit une enveloppe de la poche intérieure de sa veste pour la tendre à son interlocuteur.
    — Ce n’est pas nécessaire, je vous crois sur parole.
    Le malaise du visiteur s’accentua. Son premier passage dans cette maison s’était révélé un peu orageux.
    — Ces études s’avèrent très coûteuses. J’ai évoqué déjà mon désir de travailler pour vous. Vous me laissiez entendre que ce serait peut-être possible..
    Fernand leva la main pour l’arrêter, puis il demanda :
    — Votre mère pourra-t-elle payer la scolarité ?
    — Ce sera juste. Elle reçoit des pensionnaires pour joindre les deux bouts. Si de mon côté, je touche un salaire, ce sera plus facile.
    — Les derniers étés, avez-vous pu occuper un emploi ?
    — Oui, j’ai travaillé au service de livraison chez PICARD.
    Le notaire apprécia la carrure du jeune homme. Ce genre d’effort ne devait pas être au-dessus de ses forces.
    — Pourquoi ne pas retourner là-bas ? Je suis sûrqu’Edouard vous fera de la place. Votre père a consacré sa vie au service de cette famille.
    — Déplacer des meubles ne me rapproche pas de la pratique du droit.
    — En réalité, transcrire des actes à la machine non plus.
    — ... Tout de même un peu.
    Une pointe de déception perçait dans la voix. Fernand détaillait le visage de son interlocuteur, cherchant des ressemblances avec celui de sa femme. La couleur des cheveux s’imposait d’abord, puis certains traits.

    Convenait-il de permettre à ces deux-là de se rencontrer ?
    Jamais Eugénie n’abordait le sujet de cette naissance illégitime, même si dix ans plus tôt il lui avait révélé être au courant de l’affaire.
    Dans son état présent, peut-être retrouver cet enfant lui apporterait-il un peu de sérénité. Elle paraissait soucieuse de se rapprocher des trois autres.
    — Au moins, savez-vous taper à la machine ? questionna-t-il.
    — Au Petit Séminaire, nous avons des cours.
    — Voilà qui ne me rassure pas du tout. Vous savez, une seule erreur et il faut reprendre la page en entier. Des ratures sur un acte légal, cela demeure du plus mauvais effet.
    Depuis des semaines, Jacques avait exhumé le vieux clavigraphe de son père afin de se délier un peu les doigts.
    Son désir d’entrer dans cette maison le mena à mentir :
    — Je pourrai me tirer d’affaire, je vous assure.
    Fernand poussa

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