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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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toujours en anglais :
    — Mademoiselle, je peux le confirmer, vous êtes très jolie.
    Alors, la jeune femme rougit pour de vrai, un changement à peine perceptible. Pendant un instant, elle se cacha la moitié du visage avec sa serviette.
    — Vous allez me faire mourir de honte.
    — C’est le drame des jolies filles.
    L’arrivée du second service lui permit de reprendre sa contenance.
    — Et maintenant, il y a toujours une question qui vient après un pareil constat, dit-il.
    — Pourquoi suis-je toujours seule, au point d’être une vieille fille réfugiée au Château Saint-Louis ?
    — Jamais je n’aurais formulé la chose de cette façon.
    — Alors, formulez-la à votre convenance.
    La voix contenait une pointe de défi. Mais malgré son agacement apparent, elle se réjouissait tout de même d’avoir été si longuement le sujet de conversation.
    — Pourquoi diable aucun homme ne s’est-il fendu en quatre pour obtenir votre affection ?

    — Il faudrait le demander à tous ces hommes. Selon mon frère, cela tient à mon acharnement à dissimuler mon côté fragile, sensible et aimant.
    — Vous avez toutes ces qualités ? Dans ce cas, c’est vrai, vous avez tort de les cacher.
    Leurs yeux se croisèrent. Louis versa encore un peu de vin dans le verre de sa compagne, puis commenta doucement:
    — Nous avons eu un très bel été, n’est-ce pas ?
    — ... Oui, très beau.
    —Je me suis rendu sur la côte du Maine. Vous allez à la mer, parfois ?
    — Je suis allée à Saint Andrews l’été dernier.
    Pendant tout le second service, la conversation porta sur les avantages respectifs de la côte américaine et celle du Nouveau-Brunswick. Ils convinrent bientôt que l’absence d’une véritable plage desservait cette dernière destination.

    *****
Après le repas, Louis l’avait invitée à marcher sur la terrasse Dufferin. Elle avait proposé plutôt de se rendre au parc Montmorency. Il avait accepté en lui offrant de prendre son bras.
    Quelques minutes plus tard, la jeune femme attirait l’attention de toutes les personnes présentes en marchant sur le petit muret bordant l’espace vert, destiné à prévenir les chutes en bas de la falaise.
    — Vous pourriez vous casser quelque chose, dit son compagnon en tendant la main pour l’aider à descendre.
    — Mon grand frère me disait la même chose, il y a vingt ans.
    — Voilà une personne bien sage.

    — A l’époque, je le trouvais trop sage. Je me trompais, bien sûr. Il prend des risques calculés, et ne paraît pas s’en trouver plus mal. Moi, je joue la bravache, sans grand profit, finalement.
    Louis agita sa main tendue, elle y plaça la sienne et ne fit pas mine de la retirer après être descendue.
    — Nous pouvons nous asseoir sur ce banc, suggéra-t-il.
    — C’est vrai, vous devez être fatigué, après avoir marché depuis le Château Frontenac. Je me sens maintenant un peu coupable de vous avoir entraîné jusqu’ici.
    L’homme s’installa le premier, la jambe gauche allongée devant lui. Puis elle prit place à ses côtés.
    — Vous m’avez posé beaucoup de questions, commença-t-elle.
    — Et vous aucune, répondit-il. Vous aimeriez maintenant satisfaire votre curiosité ? Allez-y, je serai le plus franc possible.
    Cela ne voulait pas dire d’une franchise absolue. Thalie comprit la nuance.
    — ... Je vous ai vu en habit de travail, debout dans la boîte d’un camion. Même si c’est une occupation tout à fait respectable, elle ne permet pas de porter un vêtement de cette qualité.
    Du bout des doigts, elle tâta la manche de la veste.
    — J’ai grandi dans une boutique, je sais reconnaître un tissu coûteux. Puis il y a votre automobile...
    — Je gagne bien ma vie à faire des livraisons avec un camion. Généralement, je ne transporte pas des matériaux de construction pour le compte d’une quincaillerie. Ce jour-là, je rendais service à un ami.
    — Alors, que livrez-vous ?
    — Un produit que les autorités politiques du pays voisin ont la sottise de rendre illégal.

    Il lui adressa un sourire ironique, heureux de bousculer un peu ses valeurs de bourgeoise.
    «Il s’agit d’un bootlegger, songea-t-elle, un passeur d’alcool. »
    Comme les Américains maintenaient toujours les lois de prohibition et que le Canada permettait la fabrication et la vente d’alcool, tout le long de la frontière entre les deux pays des hommes entreprenants amassaient de petites fortunes en faisant traverser le

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