Excalibur
Clovis ; ces renforts furent amenés en première ligne
et nous vîmes les sorciers les haranguer, puis se tourner vers nous pour
cracher leurs malédictions. Rien ne pressait l’attaque. La journée ne faisait
que commencer, il n’était même pas midi et Cerdic put laisser ses guerriers
manger, boire et se préparer. L’un de leurs tambours de guerre entama son
battement morne tandis que de nouveaux Saxons s’alignaient sur les flancs de
leur armée, certains tenant des chiens en laisse. Nous étions tous épuisés. J’envoyai
chercher de l’eau à la rivière et nous nous la partageâmes, buvant à grandes
goulées dans les casques des morts. Arthur vint à moi et fit la grimace en
voyant mon état. « Pourras-tu une troisième fois les empêcher de passer ?
— Il le
faut, Seigneur », dis-je tout en sachant que ce serait difficile. Nous
avions perdu des douzaines d’hommes et notre mur serait mince. Nos lances et
nos épées s’étaient émoussées et il n’y avait pas assez de pierres à aiguiser
pour les affûter de nouveau alors que l’ennemi se renforçait de troupes
fraîches aux armes intactes. Arthur se laissa glisser de Llamrei, jeta ses
rênes à Hygwydd et marcha avec moi jusqu’à la laisse éparpillée des morts. Il
connaissait certains de ces hommes par leur nom et fronça les sourcils en
voyant des jeunes gens qui avaient à peine eu le temps de vivre avant de
rencontrer leur ennemi. Il se pencha pour caresser du doigt le front de Bors, puis
continua sa marche avant de s’arrêter à côté d’un Saxon qui gisait étendu, une
flèche enfoncée dans sa bouche ouverte. Un moment, je crus qu’il allait parler,
puis il se contenta de sourire. Il savait que Guenièvre était avec mes hommes,
il avait dû la voir sur son cheval, ainsi que sa bannière qui maintenant
flottait à côté de mon gonfalon étoilé. Il regarda de nouveau la flèche et je
vis une lueur de bonheur éclairer son visage. Il me toucha le bras et me ramena
vers nos hommes assis ou penchés sur leur lance qu’ils avaient plantée dans le
sol.
Un Saxon qui
avait reconnu Arthur sortit des rangs ennemis, encore en train de se former, et
s’avança à grands pas dans l’espace vide, entre les armées, pour lui lancer un
défi. C’était Liofa, le champion que j’avais affronté à Thunreslea, et il
traita mon chef de lâche et de femmelette. Je ne traduisis pas ces injures et
Arthur ne me demanda pas de le faire. Liofa se rapprocha de nous. Il ne portait
ni bouclier ni armure, pas même un casque, et n’était armé que d’une épée qu’il
rengaina, comme pour montrer qu’il n’avait pas peur de nous. Je vis la balafre
qu’il portait à la joue et fus tenté d’aller lui donner une plus grande
cicatrice, une cicatrice qui le coucherait dans un tombeau, mais Arthur m’arrêta.
« Laisse-le tranquille. »
Liofa continua
à nous railler. Il marcha à petits pas maniérés, pour suggérer que nous étions
des femmes, puis nous tourna le dos pour nous inciter à venir l’attaquer.
Personne ne bougea. Il nous fit face de nouveau, secoua la tête de pitié devant
notre couardise, puis se dirigea à grands pas vers la laisse des cadavres. Les
Saxons l’acclamaient tandis que mes hommes le regardaient en silence. Je fis
passer le mot dans notre ligne que c’était le champion de Cerdic, un homme
dangereux, et qu’il fallait le laisser tranquille. Cela ulcérait nos hommes de
voir un Saxon nous provoquer ainsi, mais il valait mieux ne pas lui offrir une
chance d’humilier l’un de nos lanciers fatigués. Arthur essaya de redonner du
courage à nos troupes en remontant sur Llamrei et, ignorant les railleries de
Liofa, il galopa le long de la rangée de cadavres. Il éparpilla les sorciers
saxons nus, puis tira Excalibur et se rapprocha encore plus de la colonne
saxonne en exhibant son cimier blanc et sa cape tachée de sang. La croix rouge
de son bouclier scintillait et mes hommes poussèrent des vivats à sa vue. Les
Saxons reculèrent devant lui alors que Liofa, laissé impuissant dans le sillage
de notre chef, lui criait qu’il avait un cœur de femme. Arthur fit pivoter sa jument
et d’un coup de talons la ramena vers moi. Son geste signifiait que Liofa n’était
pas un adversaire digne de nous, et cela dut piquer la fierté du champion car
il se rapprocha encore plus de nos lignes, à la recherche d’un rival.
Liofa s’arrêta
près d’un tas de cadavres. Il mit le pied dans le sang coagulé
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