Excalibur
je
t’ai vu toucher ce clou, sur ton bureau.
— Nous ne
sommes pas toujours de bons chrétiens. »
Elle fit une
pause. « Mon accouchement me tracasse.
— Nous
prions tous pour toi. » Je savais que c’était une réponse insuffisante.
Mais j’avais fait plus que prier dans la petite chapelle de notre monastère. J’avais
trouvé une pierre d’aigle – de celles que la femelle emporte dans son nid
pour pondre de beaux œufs – et j’ai gravé son nom dessus avant de l’enterrer
au pied d’un frêne. Si Sansum savait que j’ai pratiqué cet ancien sortilège, il
oublierait qu’il a besoin de la protection de Brochvael et me ferait battre
jusqu’au sang par saint Tudwal pendant un mois. Mais si le saint savait que j’écris
cette histoire d’Arthur, il en serait de même.
Pourtant je n’en
continuerai pas moins à écrire et pendant un moment ce sera facile, car j’en
arrive à des jours heureux, des années de paix. Ce furent aussi des années de
ténèbres, mais nous ne les vîmes pas s’amonceler, car éblouis par la lumière,
nous ne prêtâmes pas garde aux ombres. Nous pensions les avoir vaincues, et que
le soleil brillerait à jamais sur la Bretagne. Mynydd Baddon était la victoire
d’Arthur, son plus haut fait d’armes, et peut-être l’histoire finirait-elle là ;
mais Igraine a raison, dans la vie, il n’y a pas de dénouements clairs, aussi
je dois poursuivre l’histoire d’Arthur, mon seigneur, mon ami, le libérateur de
la Bretagne.
*
Arthur laissa
la vie sauve aux hommes d’Aelle. Ils déposèrent leurs lances et furent répartis
entre les vainqueurs pour devenir leurs esclaves. J’en réquisitionnai certains
pour creuser la tombe de mon père. Nous la fîmes profonde, dans cette terre
douce et humide, au bord de la rivière, et nous y couchâmes Aelle, les pieds
tournés vers le nord, son épée à la main, son plastron recouvrant son cœur
transpercé, son bouclier sur le ventre et la lance qui l’avait tué le long de
son corps, puis nous comblâmes la fosse et je dis une prière à Mithra pendant
que les Saxons priaient leur Dieu du tonnerre.
Le soir, on
alluma les premiers brasiers funéraires. J’aidai à coucher les cadavres de mes
propres hommes sur les bûchers, puis laissai leurs compagnons les accompagner
de leur chant jusqu’à l’Autre Monde. Je récupérai mon cheval et chevauchai dans
les ombres longues et douces vers le village où nos femmes avaient trouvé
refuge et, à mesure que je gravissais les collines, les bruits du champ de
bataille s’affaiblirent, les craquements et les pétillements des brasiers, les
pleurs des femmes, les chants élégiaques et les cris sauvages des hommes ivres.
J’apportai la
nouvelle de la mort de Cuneglas à Ceinwyn. Elle me regarda fixement et, durant
un instant, ne montra aucune réaction, puis les larmes lui montèrent aux yeux.
Elle tira son capuchon sur sa tête. « Pauvre Perddel », dit-elle,
pensant à son neveu devenu roi du Powys. Je lui appris comment son frère était
mort, puis elle se retira dans la chaumière où elle logeait avec nos filles.
Elle aurait voulu panser ma blessure à la tête qui semblait plus vilaine qu’elle
ne l’était, mais ne put car ses filles et elle devaient pleurer Cuneglas, ce
qui signifiait qu’elles s’enfermeraient pendant trois jours et trois nuits,
loin de la lumière du soleil, avec interdiction de voir ou de toucher un homme.
Le crépuscule
était tombé. J’aurais pu dormir au village, mais j’étais agité, alors, sous la
lumière d’une lune qui décroissait, je revins à cheval vers le sud. Je me
rendis d’abord à Aquae Sulis, pensant y trouver Arthur, mais je n’y vis, à la
lumière des torches, que les vestiges du carnage. Nos recrues avaient franchi
la muraille insuffisante et massacré tous ceux qu’elles trouvèrent à l’intérieur,
mais l’horreur prit fin lorsque les troupes de Tewdric occupèrent la ville. Les
chrétiens nettoyèrent le temple de Minerve, ramassèrent les entrailles
sanglantes de trois taureaux sacrifiés que les Saxons avaient laissées
éparpillées sur les dalles, et une fois l’autel restauré, ils y célébrèrent un
rituel d’actions de grâce. J’entendis leurs cantiques et partis à la recherche
de mes propres chants, mais mes hommes étaient restés dans le camp dévasté de
Cerdic et Aquae Sulis était pleine d’étrangers. Je ne trouvai ni Arthur ni
aucun ami, excepté Culhwch, mais il
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