Excalibur
dénouement de la bataille annulait sa trahison, mais je
sentais toujours une petite pointe de haine pour mon roi. Il croisa mon regard
malveillant et détourna sa monture. Arthur donna l’ordre de partir à ses hommes
et j’écoutai s’éloigner le tonnerre des sabots de leurs chevaux.
Je réveillai
mes hommes à petits coups de hampe et leur ordonnai de me trouver des captifs
saxons pour creuser d’autres tombes et édifier d’autres bûchers funéraires. Je
croyais consacrer ma journée à cette tâche épuisante, mais au milieu de la
matinée, Sagramor envoya un messager pour me supplier de venir, avec un
détachement de lanciers, à Aquae Sulis où des troubles avaient éclaté. Tout
avait commencé par la rumeur, courant parmi les lanciers de Tewdric, qu’on
avait découvert le trésor de Cerdic et qu’Arthur l’avait gardé pour lui. La
disparition de notre chef constituait pour eux une preuve et, pour se venger,
ils proposaient d’abattre le sanctuaire de la cité qui avait été jadis un temple
païen. Je réussis à calmer cette frénésie en annonçant que l’on avait bien
découvert deux coffres pleins d’or, mais qu’ils étaient sous surveillance et
que leur contenu serait équitablement partagé au retour d’Arthur. Tewdric
envoya une demi-douzaine de ses soldats renforcer la garde des coffres qui
gisaient encore dans les vestiges du campement de Cerdic.
Les chrétiens
du Gwent se calmèrent, mais alors les lanciers du Powys provoquèrent une
nouvelle crise en proclamant Œngus Mac Airem responsable de la mort de
Cuneglas. L’hostilité régnait depuis longtemps entre les deux pays car le roi
de Démétie se plaisait à piller les récoltes de son voisin plus riche ;
les Démétiens, en parlant du Powys, disaient même « notre garde-manger »,
mais ce jour-là, ce furent les soldats de ce pays qui envenimèrent la querelle
en affirmant que Cuneglas ne serait jamais mort si les Blackshields n’étaient
pas arrivés en retard. Les Irlandais étaient toujours prêts à se bagarrer et à
peine avait-on réussi à calmer les hommes de Tewdric que retentit, aux portes
du tribunal, le fracas de leur sanglante querelle. Sagramor imposa une paix
précaire en tuant purement et simplement les chefs des deux factions, mais
durant le reste de la journée, ces troubles persistèrent. La discorde empira
lorsqu’on apprit que Tewdric avait envoyé un détachement occuper Lactodurum,
forteresse qui n’appartenait plus aux Bretons depuis une génération, mais que
les hommes sans chef du Powys revendiquaient comme leur, aussi des lanciers de
ce pays se lancèrent à la poursuite des guerriers du Gwent pour réclamer leur
dû. Les Blackshields, qui n’avaient rien à voir dans l’histoire, proclamèrent
tout de même que ces derniers avaient raison, dans le seul but d’exaspérer ceux
du Powys, et d’autres batailles éclatèrent. Des bagarres mortelles se
déroulèrent à propos d’une ville dont la plupart des combattants n’avaient
jamais entendu parler, et qui, de plus, pouvait encore très bien être aux mains
des Saxons.
Nous, les
Dumnoniens, parvînmes à nous tenir à l’écart de ces conflits ; ce furent
donc nos lanciers qui patrouillèrent dans les rues, confinant ainsi les
escarmouches aux tavernes, mais dans l’après-midi, nous fûmes entraînés dans
des disputes lorsque Argante et sa suite, composée d’une vingtaine de personnes,
arrivant de Glevum, apprirent que Guenièvre occupait la demeure de l’évêque,
derrière le temple de Minerve. Le palais le plus grand et le plus confortable d’Aquae
Sulis était celui du magistrat Cildydd, mais Lancelot y logeait lorsqu’il
séjournait dans la ville, et pour cette raison Guenièvre l’avait évité. Néanmoins
Argante insista pour qu’on lui livre la maison de l’évêque, arguant que
celle-ci se trouvait dans l’enclos sacré, et une bande de Blackshields zélés s’y
rendit pour en chasser Guenièvre, se heurtant ainsi à mes propres lanciers,
bien décidés à la défendre. Deux hommes moururent avant que la princesse annonce
que peu lui importait l’endroit où elle logeait ; elle alla s’installer
dans la résidence des prêtres, le long des thermes. Argante, qui l’avait
emporté dans cette rencontre, déclara que les nouveaux quartiers de son ennemie
lui convenaient tout à fait puisqu’autrefois ils avaient abrité un bordel.
Aussi Fergal, son druide, y entraîna un grand nombre de Blackshields qui
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