Excalibur
demeure sur le trône, mais
ils n’étaient pas assez nombreux pour vaincre les rebelles. « Je pense que
nous devrions intervenir, me dit Arthur.
— Nous,
Seigneur ?
— Meurig
et moi. Oh, je sais qu’il déteste la guerre, mais tôt ou tard, certains de ses
missionnaires seront tués au Powys et je suppose que ces morts le persuaderont
d’envoyer des lanciers au secours de Perddel. À condition que celui-ci, bien
entendu, accepte de répandre le christianisme dans son pays, ce qu’il fera sans
doute pour rester sur le trône. Si Meurig se mettait en guerre, il me
demanderait probablement de l’accompagner. Il préférerait de beaucoup que ce
soit mes hommes qui meurent plutôt que les siens.
— Sous la
bannière chrétienne ? demandai-je amèrement.
— Je
doute qu’il en accepte une autre, répliqua calmement Arthur. Je suis devenu son
collecteur d’impôts en Silurie, aussi pourquoi ne serais-je pas son seigneur de
la guerre au Powys ? » Il sourit avec une ironie désabusée, puis me
lança un regard penaud. « J’ai une autre raison de vouloir un mariage chrétien
pour Gwydre et Morwenna.
— Laquelle ? »
Il fallait le pousser car il était clair que cet autre motif l’embarrassait.
« Supposons
que Mordred et Argante n’aient pas d’enfant. »
Je ne répondis
d’abord rien. Guenièvre avait évoqué cette possibilité lors de notre entretien
à Aquae Sulis, mais c’était une supposition peu plausible. Je finis par le
dire.
« Mais s’ils
restent sans enfants, insista Arthur, quel serait le meilleur prétendant au
royaume de Dumnonie ?
— Toi,
bien sûr. » Arthur était le fils d’Uther, même s’il était né bâtard, et il
n’y en avait pas d’autres.
« Non,
non. Je n’en ai pas envie. Je n’en ai jamais eu envie ! »
Je regardai
Guenièvre, dans la cour, la soupçonnant d’avoir posé ce problème de la
succession de Mordred. « Alors, ce serait Gwydre ?
— Oui.
— Le
désire-t-il ?
— Je
pense. Il écoute plus volontiers sa mère que moi.
— Tu n’as
pas envie que Gwydre soit roi ?
— Je veux
que Gwydre soit ce qu’il désire être, alors si Mordred ne nous donne pas d’héritier
et si Gwydre souhaite faire reconnaître son droit à la couronne, je le
soutiendrai. » Il regardait fixement Guenièvre tout en parlant et je
devinai qu’elle était la véritable source de cette ambition. Elle avait
toujours voulu être l’épouse d’un roi, mais se satisferait d’en être simplement
la mère puisqu’Arthur refusait le trône. « Comme tu le dis, poursuivit
Arthur, c’est une supposition bien improbable. J’espère que Mordred aura de
nombreux fils, mais dans le cas contraire, et si Gwydre est appelé à régner, il
aura besoin du soutien des chrétiens, ce sont eux qui gouvernent la Dumnonie en
ce moment, non ?
— Oui,
Seigneur, ce sont eux, dis-je tristement.
— Il
serait donc adroit de notre part d’observer le rite chrétien au mariage de
Gwydre. » Il m’adressa un sourire matois. « Tu vois, ta fille n’est
pas si loin de devenir reine. » Je n’y avais jamais pensé et cela dut se
voir sur mon visage, car il éclata de rire. « Un mariage chrétien, ce n’est
pas ce que je souhaiterais pour Gwydre et Morwenna. S’il ne tenait qu’à moi,
Derfel, je les ferais marier par Merlin.
— Tu as
des nouvelles de lui, Seigneur ? demandai-je avidement.
— Non. J’espérais
que tu en aurais.
— Rien
que des rumeurs. » On n’avait pas vu Merlin depuis un an. Il avait quitté
le Mynydd Baddon avec les cendres de Gauvain, ou du moins un paquet contenant
des os calcinés et des cendres qui auraient pu être celles du prince décédé ou,
tout aussi bien, des cendres de bois, et depuis ce jour, on n’avait pas vu le
druide. La rumeur courait qu’il était dans l’Autre Monde, d’autres proclamaient
qu’il était en Irlande, ou dans les montagnes de l’ouest, mais nul ne savait
rien de certain. Il m’avait dit qu’il partait aider Nimue, mais on ignorait
aussi où elle se trouvait.
Arthur se leva
et ôta les brins d’herbe de son pantalon en tartan. « Il est temps d’aller
dîner, et je t’avertis que Taliesin risque de chanter une ballade extrêmement
ennuyeuse sur la bataille du Mynydd Baddon. De plus, elle est encore inachevée.
Il continue d’y ajouter des vers. Guenièvre me dit que c’est un chef-d’œuvre,
alors je suppose que c’est vrai, mais pourquoi faut-il que je
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