Excalibur
établir, aussi les Saxons y demeurèrent et le cultivèrent, en rêvant du
jour où leurs rois reviendraient. Sagramor gouverna de fait ces territoires
reconquis. Les chefs saxons savaient que leur souverain était Mordred, mais
durant les premières années qui suivirent la bataille du Mynydd Baddon, c’est
au Numide qu’ils rendirent hommage et payèrent les impôts. Son austère bannière
noire flottait sur le vieux fort de Pontes, d’où ses guerriers partaient pour maintenir
la paix.
Arthur reprit
le pays qui nous avait été arraché, seulement lorsque les Saxons eurent accepté
les nouvelles frontières, il quitta la Dumnonie. Jusqu’au dernier moment,
certains d’entre nous espérèrent qu’il ne tiendrait pas la promesse faite à
Meurig et à Tewdric, mais il n’avait pas envie de rester. Il n’avait jamais
désiré le pouvoir. Il l’avait pris comme un devoir à l’époque où la Dumnonie
avait un enfant pour roi et se trouvait déchiré entre une vingtaine de
seigneurs de la guerre ambitieux dont la rivalité mettait le pays à feu et à
sang, et pendant tout ce temps, il n’avait pas cessé de nourrir son rêve d’une
vie plus simple, aussi une fois les Saxons vaincus, il se sentit libre de le
réaliser. Je le suppliai de réfléchir encore et il fit non de la tête. « Je
suis vieux, Derfel.
— Guère
plus que moi, Seigneur.
— Alors,
tu es vieux ! dit-il avec un sourire. Quarante ans passés ! Combien d’hommes
vivent jusqu’à cet âge ? »
Peu, il est
vrai. Cependant, je pense qu’Arthur aurait accepté de rester en Dumnonie si on
lui avait accordé ce qu’il désirait, c’est-à-dire de la gratitude. C’était un
homme fier qui avait conscience de ce qu’il avait fait pour le pays et n’avait
reçu pour toute récompense qu’un mécontentement morne. Les chrétiens avaient
commencé les premiers, puis après les feux de Mai Dun, les païens s’étaient
retournés contre lui. Il avait imposé la justice en Dumnonie, il avait récupéré
une grande partie du territoire perdu et assuré ses nouvelles frontières, il
avait gouverné avec probité, et on le remerciait en le raillant, en le traitant
d’ennemi des Dieux. En outre, il avait promis à Meurig de quitter la Dumnonie
et cette promesse renforçait le serment prêté à Uther de faire Mordred roi,
aussi déclara-t-il qu’il tiendrait formellement ces deux promesses. « Sinon,
je ne pourrais pas être heureux », me dit-il, et il fut impossible de le
faire changer d’avis, aussi, quand la nouvelle frontière avec les Saxons fut délimitée
et le premier tribut de Cerdic versé, il s’en alla.
Il emmena
soixante cavaliers et cent lanciers, et se rendit à la ville d’Isca, en
Silurie, qui se trouvait au nord de la Dumnonie, de l’autre côté de la mer de
Severn. Il s’était d’abord proposé de n’emmener aucun guerrier, mais l’avis de
Guenièvre prévalut. Avec tous ses ennemis, Arthur avait besoin de protection,
dit-elle, et en outre, ses cavaliers comptant parmi les plus puissants
combattants de Bretagne, elle ne voulait pas qu’ils tombent sous le
commandement d’un autre. Arthur se laissa persuader, bien qu’en vérité je ne
pense pas qu’il eût besoin de beaucoup d’arguments. Il pouvait bien rêver à la
vie d’un simple propriétaire terrien dans une paisible campagne, sans autre
souci que la santé de ses troupeaux et l’état de ses récoltes, mais il savait
que la seule paix qu’il aurait jamais, il devrait se l’assurer lui-même, et qu’un
seigneur sans lances n’en jouirait pas longtemps.
La Silurie
était un petit royaume pauvre dont on ne faisait aucun cas. Gundleus, le
dernier souverain de son ancienne dynastie, était mort à Lugg Vale, puis
Lancelot avait été acclamé roi, mais il détestait ce pays et l’avait
joyeusement abandonné pour le trône plus opulent de la Belgique. Dépourvue de
souverain, la Silurie avait été divisée en deux royaumes clients, asservis l’un
au Gwent et l’autre au Powys. Cuneglas se targuait d’être roi de la Silurie
occidentale, et Meurig s’était proclamé roi de la Silurie orientale, cependant
aucun d’eux n’avait jamais attaché beaucoup de valeur à ces vallées encaissées
qui couraient de montagnes froides et humides jusqu’à la mer. Cuneglas y avait
recruté des lanciers, alors que Meurig s’était contenté d’y envoyer des
missionnaires, et le seul roi qui ait jamais montré de l’intérêt pour la
Silurie
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