Excalibur
profondeurs de l’ouest. Les Saxons se
terraient, mais désiraient toujours ardemment nos terres, et dans les cieux, où
il n’y a nulle bride à leur malveillance, les Dieux jouaient de nouveau aux
dés.
*
Mordred fut
heureux durant les années qui suivirent la bataille du Mynydd Baddon. Il y
avait pris goût à la guerre et la recherchait avec avidité. Il se contenta d’abord
de combattre sous la direction de Sagramor, effectuant des incursions dans un Llœgyr
amoindri ou traquant les bandes de Saxons qui venaient piller nos récoltes et
nos troupeaux, puis au bout d’un moment la prudence du Numide le frustra.
Celui-ci n’avait aucun désir de déclencher un conflit à grande échelle en
allant conquérir les terres que Cerdic possédait encore et où les Saxons
restaient forts, mais Mordred voulait désespérément un autre affrontement de
murs de boucliers. Une fois, il ordonna aux lanciers de Sagramor de le suivre
sur le territoire de Cerdic, mais ils refusèrent de se mettre en marche sans en
avoir reçu l’ordre de leur commandant, et celui-ci empêcha l’invasion. Mordred
bouda un certain temps, puis un appel à l’aide lui arriva de Brocéliande, le
royaume breton d’Armorique, et le roi emmena une bande de volontaires combattre
les Francs qui se pressaient aux frontières du roi Budic. Il demeura là-bas
plus de cinq ans et s’y tailla une renommée. Dans la bataille, il se montrait
intrépide, me dit-on, et ses victoires attirèrent encore plus de guerriers sous
sa bannière du dragon. C’étaient des hommes sans maître, des gredins, des
hors-la-loi qui voulaient s’enrichir en pillant, et Mordred comblait le désir
de leurs cœurs. Il reprit une bonne partie de l’ancien royaume de Benoïc et les
bardes se mirent à le qualifier de nouvel Uther, et même de second Arthur, bien
que d’autres histoires, jamais transcrites en ballades, franchirent les eaux
grises et parvinrent en Dumnonie ; elles parlaient de viols et de
massacres, et d’hommes cruels auxquels tout était permis.
Arthur dut se
battre lui aussi durant ces années-là, car comme il l’avait prévu, des
missionnaires de Meurig furent massacrés au Powys et ce roi exigea qu’il l’aide
à punir les rebelles. Notre chef y mena une de ses plus grandes campagnes. Je n’étais
pas là pour lui venir en aide car j’avais des responsabilités en Dumnonie, mais
on nous raconta l’histoire. Arthur persuada Œngus Mac Airem d’attaquer à l’ouest,
ses propres hommes vinrent du sud et lorsque l’armée de Meurig arriva, deux
jours plus tard, la rébellion avait été écrasée et la plupart des meurtriers
arrêtés ; certains tueurs de prêtres s’étaient réfugiés dans le Gwynedd où
Byrthig refusa de les livrer. Le souverain de ces régions montagneuses espérait
s’en servir pour regagner des terres du Powys, aussi Arthur, ignorant les
conseils de prudence de Meurig, l’attaqua, le défit à Caer Gei puis, sans s’arrêter
et prenant toujours pour excuses que certains tueurs de prêtres avaient fui
plus au nord, il conduisit sa bande de guerriers sur la Route de Ténèbre dans
le redoutable royaume de Lleyn. Œngus le suivit et, dans les sables de Foryd,
là où la Gwyrfair se jette dans la mer, tous deux prirent en étau le roi
Diwrnach et rompirent le mur des Bloodshields. Diwrnach se noya, plus de cent
de ses lanciers furent massacrés et le reste s’enfuit, pris de panique. En deux
mois d’été, Arthur avait mis fin à la rébellion, intimidé Byrthig, abattu
Diwrnach, et par ce dernier haut fait, accompli la promesse de vengeance faite
à Guenièvre. Leodegan, son père, avait été roi d’Henis Wyren, mais Diwrnach,
venu d’Irlande, s’était emparé de ce pays, l’avait renommé Lleyn, faisant ainsi
de notre princesse une exilée sans ressource. Maintenant, le conquérant était
mort et je croyais que Guenièvre demanderait que son royaume fût donné à son
fils, mais elle ne protesta pas quand Arthur confia le Lleyn à la garde d’Œngus,
dans l’espoir que ses Blackshields seraient trop occupés pour faire des
incursions au Powys. Il valait mieux, me dit-il plus tard, que le Lleyn ait un
chef irlandais, car la grande majorité de ses habitants venaient de cette île
et Gwydre aurait été un étranger pour eux, aussi le fils aîné d’Œngus
régna-t-il sur le Lleyn. Arthur rapporta l’épée de Diwrnach à Isca et offrit ce
trophée à Guenièvre.
Je ne vis rien
de tout cela, car je
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