Excalibur
hélas... » Il haussa
les épaules. Il était pauvre et nous avait déjà offert plus qu’il ne pouvait se
le permettre. Nous mangeâmes sa nourriture, séchâmes nos vêtements à son feu,
puis nous nous assîmes sous le pommier en fleurs de son verger. « On ne
peut plus combattre Mordred », dit Arthur d’un air désolé. Les forces du
roi comptaient au moins trois cent cinquante lanciers, et les partisans de
Nimue l’aideraient tant qu’il nous poursuivrait, alors que Sagramor disposait
de moins de deux cents hommes. Nous avions perdu la guerre avant de l’avoir commencée.
« Œngus
viendra à notre aide, suggéra Culhwch.
— Il
essaiera, mais Meurig ne laissera jamais les Blackshields traverser le Gwent,
dit Arthur.
— Et
Cerdic viendra, ajouta calmement Galahad. Dès qu’il apprendra que Mordred nous
a attaqués, il se mettra en marche. Et nous aurons deux cents hommes.
— Moins
que cela, lança Arthur.
— Pour en
combattre combien ? demanda Galahad. Quatre cents ? Cinq cents ?
Et ceux d’entre nous qui survivraient, même s’ils remportaient la victoire,
devraient encore affronter Cerdic.
— Alors,
que faire ? » demanda Guenièvre.
Arthur sourit.
« Aller en Armorique. Mordred ne nous poursuivra pas jusque-là.
— Il en
serait capable, gronda Culhwch.
— Alors,
nous affronterons ce problème quand il se présentera », conclut calmement
Arthur. Il était amer, ce matin-là, mais pas en colère. Le destin lui avait
porté un terrible coup, aussi tout ce qu’il pouvait faire, maintenant, c’était
modifier ses plans et tenter de nous donner de l’espoir. Il nous rappela que le
roi de Brocéliande, Budic, avait épousé sa sœur, Anna ; Arthur était
certain qu’il nous donnerait asile. « Nous serons pauvres – il offrit
à Guenièvre un sourire d’excuses –, mais nous aurons des amis qui nous
aideront. Et Brocéliande accueillera les lanciers de Sagramor. Nous ne mourrons
pas de faim. Et qui sait ? — il sourit à son fils — Mordred
mourra peut-être et nous pourrons revenir.
— Mais
Nimue nous poursuivra jusqu’au bout du monde », dis-je.
Arthur fit la
grimace. « Alors, il faut tuer Nimue, mais ce problème aussi devra
attendre son heure. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est voir comment nous
pourrions atteindre Brocéliande.
— Allons
à Camlann, dis-je, et demandons le batelier Caddwg. »
Arthur me
regarda, surpris par mon assurance. « Caddwg ?
— Merlin
l’avait prévu, Seigneur, et me l’a dit. C’est le dernier don qu’il vous fait. »
Arthur ferma
les yeux. Il pensait à Merlin et, durant un battement de cœur ou deux, je crus
qu’il allait verser des larmes, mais il se contenta de frissonner. « Bien,
allons à Camlann », dit-il en rouvrant les yeux.
Einion, fils
de Culhwch, prit le cheval de selle et partit vers l’est, à la recherche de
Sagramor. Il portait de nouveaux ordres : Sagramor devait trouver des
bateaux et traverser la mer jusqu’en Armorique. Einion dirait au Numide que
nous allions chercher notre propre embarcation à Camlann et que nous le
retrouverions sur la côte de Brocéliande. Il n’y aurait pas de bataille contre
Mordred, pas d’acclamation sur le Caer Cadarn, seulement une fuite ignominieuse
sur la mer.
Quand Einion
fut parti, nous mîmes Arthur-bach et la petite Seren sur l’une des mules,
entassâmes nos armures sur l’autre, et marchâmes vers le sud. Mordred savait
maintenant que nous nous étions enfuis de Silurie et l’armée de la Dumnonie
devait déjà revenir sur ses pas. Les hommes de Nimue les accompagneraient sans
doute et ils pouvaient suivre les routes romaines empierrées tandis que nous,
nous devions traverser une campagne accidentée. Et donc, nous nous hâtâmes.
Ou plutôt,
nous essayâmes de nous hâter, mais les collines étaient escarpées, la route
longue. Ceinwyn était encore faible, les mules avançaient doucement et Culhwch
boitait depuis la bataille contre Aelle, menée si longtemps auparavant, aux
portes de Londres. Ce fut donc un lent voyage, mais Arthur semblait maintenant
résigné à son sort. « Mordred ne sait pas où nous chercher, dit-il.
— Nimue,
peut-être, suggérai-je. Qui sait ce qu’elle a forcé Merlin à dire, à la fin ? »
Un moment,
Arthur resta silencieux. Nous traversions un bois éclatant de jacinthes, qu’adoucissaient
les feuilles de la saison nouvelle. « Tu sais ce que je devrais
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