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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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trouvait soudain devant elle. C’était Zayd. Il saisit la longe de la mule.
    — Tu dormais, dit-il. Tu dormais et ta mule mangeait le sable au lieu d’avancer.
    Il n’y avait aucun reproche dans sa voix. Seulement de l’amusement. Mais le reproche, il le perçut aussitôt dans les yeux de Fatima. Elle n’eut nul besoin de s’expliquer. Il opina :
    — Tu as raison. Cela fait longtemps que je ne t’ai pas vue. Mais toi, tu ne vas plus tisser sous le mur ouest…
    — L’hiver est passé. Il fait chaud et j’ai d’autres tâches à accomplir que de tisser de la laine.
    Encore une fois, Zayd acquiesça.
    Zayd avait quelque chose d’embarrassant à dire : ses lèvres pincées et ses doigts crispés sur la longe le trahissaient. Il n’était pas homme à savoir mentir et dissimuler.
    Fatima relança sa monture à coups de talons sur les flancs. Ils avancèrent dans un silence rythmé par les gargouillements de l’eau dans les jarres. Enfin, Zayd leva la tête :
    — Allah est grand et rend notre père heureux comme jamais. L’ange le visite souvent, désormais, et il a fait une découverte extraordinaire : Aïcha possède une mémoire comme personne. Il suffit que notre père lui récite des versets du Coran une seule fois, et elle s’en souvient aussi bien que si elle les avait appris durant des jours. Cela depuis sa maladie. Notre père s’en est aperçu quand il a répété pour la première fois les versets de l’ange devant elle. Le lendemain, et même le surlendemain, Aïcha les lui a récités sans peine. Pourtant, il ne les avait prononcés à voix haute devant elle qu’une seule fois !
    De raconter cette merveille détendit Zayd. Mais il se rembrunit très vite : les traits de Fatima s’étaient durcis. Et ce qu’il était venu dire, il ne pouvait plus le taire, ni le repousser :
    — Ali veut te parler, mais il craint ta parole.
    Fatima ne répondit pas sur-le-champ. Peut-être Zayd vit-il le frémissement qui courait sur ses mains. Il lui rendit la longe de la mule. Après quelques pas, Fatima déclara, avec un très léger sourire :
    — Je sais ce qu’il veut me dire. Pourtant je n’imaginais pas qu’il te prierait de venir me l’annoncer à sa place.
    — Il ne m’en a pas prié. C’est moi qui…
    Incapable de poursuivre, Zayd acheva sa phrase par un geste de la main. Fatima, de nouveau, laissa passer un peu de temps avant de remarquer :
    — Toi aussi, tu aimerais me demander la même chose qu’Ali, n’est-ce pas ?
    Cette fois, Zayd agrippa la mule pour l’immobiliser, si brutalement qu’elle trébucha sous le poids des jarres, déséquilibrées par les mouvements de l’eau.
    — Je le veux depuis des années ! s’exclama-t-il. Tu le sais, tu as lu dans mon coeur depuis longtemps. Et tu sais aussi que je ne te le demanderai pas, car on ne réclame pas l’impossible.
    Et comme Fatima le fixait sans desserrer les lèvres, il ajouta, précipitant ses mots comme il le faisait parfois sous l’empire de la crainte, de la joie ou de la peine :
    — Je ne suis qu’un Kalb que ton père et ta mère ont libéré de l’esclavage. Qu’Allah les en bénisse ! Mais seul un homme de Mekka et des Qoraych doit épouser, selon la tradition, la fille de l’Envoyé. Chacun sait dans notre maison qu’Abu Bakr souhaite qu’Ali devienne ton époux. Souvent, je l’ai entendu dire à notre père : « Messager, n’ignore pas l’âge de ta fille. Elle devrait être femme et épouse depuis des années déjà, et tu sais de qui. Il n’en est qu’un. »
    Fatima ne put retenir un petit ricanement sec.
    — Ce que veut par-dessus tout Abu Bakr, gronda-t-elle, c’est que je sois loin de mon père quand il entrera dans la couche de sa fille.
    Gêné par cette franchise autant que par la colère de Fatima, Zayd baissa les yeux sans répondre. Finalement, Fatima se laissa glisser au bas de la mule. Elle saisit la main de Zayd.
    — Je suis heureuse que tu aies depuis si longtemps envie d’être mon époux, dit-elle avec douceur. S’il en est un à qui j’aurais pu dire oui, c’est toi, Zayd ibn Hârita al Kalb. Que tu aies été esclave, je m’en moque, comme ma mère se moquait que son époux Muhammad soit pauvre et homme de rien. Mais sois sans regret : si on me laissait le choix de dire ma volonté, je te refuserais, comme je refuserais Ali. La vérité, c’est que je suis une femme sans désir d’époux. Mais cela, je le sais, Allah ne peut le vouloir, et

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