Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
Vom Netzwerk:
en fin de compte, l’endroit le plus déshérité de Yatrib.
    Il lissa sa barbe, ses yeux se plissèrent :
    — Cet hiver, j’ai vu que tu venais souvent ici pour tisser et que tu aimais cette place.
    Il tendit un bras vers quelques palmiers qui formaient une haie ajourée.
    — Là-bas, c’est encore le terrain que nous avons acheté aux deux orphelins. Nous y construirons votre nouvelle maison. Ali, toi et votre descendance y habiterez.
    Il se redressa et la fixa de nouveau, comme s’il attendait une réponse ou une approbation. Fatima demeura muette et les yeux secs.
    — Les travaux commenceront dès demain, annonça-t-il avant de s’éloigner.

La déclaration d’Ali
    Avant le crépuscule, alors que Fatima se tenait devant les fours de la cuisine, Ali s’approcha. Vêtu de vert et de blanc, les yeux scintillants, les cils ombrés de khôl, la bouche émue, la barbe finement taillée et peignée. De l’étude des rouleaux du Livre qui occupait toutes ses journées, il avait acquis des gestes délicats et des mains élégantes. L’hiver et le peu de nourriture avaient aminci son visage et sculpté ses traits. Ce n’était plus un adolescent mais un homme au regard profond. Sa beauté n’en était que plus évidente.
    Sa distinction et sa peau mate plaisaient grandement aux femmes, qui guettaient chacune de ses allées et venues. Lorsqu’elles le virent s’approcher, les grimaces et les gloussements ne manquèrent pas. Ali laissa glisser sur elles un regard absent, et marcha droit vers Fatima.
    — Ma soeur… Fatima, je viens te parler…
    Sa voix portait loin. Fatima attendit, le tamis à farine à la main. Ali hésita, jeta un coup d’oeil autour de lui, esquissa un geste :
    — Nous serions mieux ailleurs, murmura-t-il.
    Il se détourna sans attendre. Fatima le suivit. Dans son dos, jaillirent aussitôt des petits rires et des murmures. Ali s’immobilisa devant la grande porte de la maison. De l’autre côté de la cour, sur le seuil des chambres communes, la tante Kawla et la mère d’Ali les observaient. Ostensiblement, Fatima leur tourna le dos.
    Ali posa sur elle un regard insistant, cherchant ses mots, peut-être se les répétant. Fatima surprit dans ses yeux cette même brûlure, cette même intensité avec laquelle il l’avait fixée au matin de leur lutte contre les assassins de Mekka. Puis, au son sourd et mal assuré de sa voix, elle sut qu’il allait dire le vrai de ses sentiments :
    — Notre père est venu devant moi il y a deux jours et m’a dit : « Allah m’a fait savoir Sa volonté. Tu prendras ma fille Fatima pour épouse. » Que tu ne veuilles pas de mari, je le sais, Fatima, comme tous ici. Pourtant, Allah a choisi. Tu es la fille de Son Envoyé. Comment pourrais-tu demeurer sans descendance ? Allah est Grand. Rien ne Lui échappe. Le fond de mon coeur et de mes pensées, Il les connaît, comme Il sait tout de toi. Il a vu que, chaque nuit, tu es dans mes rêves. Ce n’est pas nouveau, et j’ai souvent prié le Seigneur de me délivrer. Il ne m’a pas écouté. Depuis mon arrivée à Yatrib, si je n’ai pas croisé ton chemin, ce n’est pas parce que je savais avec quel air tu me toiserais. Loué soit Allah. Sans Lui, rien ne serait possible…
    Dans un mouvement si soudain qu’il fit sursauter Fatima, Ali s’inclina profondément. Un genou dans la poussière, il empoigna un pan de la tunique de Fatima et la porta à ses lèvres.
    Il y avait là tant de sincérité, de dévotion et de timidité que Fatima ne put retenir son propre geste. Sa main droite se posa sur les cheveux d’Ali. Elle murmura :
    — Non, non, je t’en prie, relève-toi !
    Il leva des yeux brillants de larmes. Malgré le désir qu’elle avait de se montrer froide et indifférente, elle eut grand-peine à taire les mots qui lui venaient à l’esprit : « Mon frère, mon frère… »
    Non ! Ali ne serait jamais un frère ! Allah en avait décidé autrement. Pourquoi ne pouvait-elle se comporter comme les autres femmes qui, là-bas, dans les cuisines, l’enviaient ? Qu’Allah soit loué mille fois : l’époux qu’il lui donnait n’était-il pas beau, tendre et si précieux pour tous ?

Les épousailles
    À nouveau, ils furent des dizaines à creuser, piétiner la glaise, charrier les briques et monter les murs. Moins de deux lunes suffirent à bâtir la maison des nouveaux époux. L’enceinte ne contenait qu’une chambre, un auvent de quarante pas de long, la

Weitere Kostenlose Bücher