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Fatima

Fatima

Titel: Fatima Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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s’emporta-t-il, ta bouche de démon a vomi sur lui ! Lui, Abu Talib, mon frère respecté qui t’a pris pour fils quand tu n’étais qu’un orphelin. Lui qui t’a laissé piocher dans sa bourse pour que tu ne sois pas un homme de rien. Qui t’a poussé dans la couche cossue de la veuve bint Khowaylid. Et quand la sagesse aurait été de te couper le cou à cause de tes blasphèmes, mon pauvre frère a encore tendu la main pour te protéger de la colère de la mâla. Et toi ! Toi, bouche de démon, qu’as-tu fait pour l’aider quand l’heure de son voyage vers Hobal est venue ? Tu lui as promis l’enfer !
    Abu Lahab, empourpré par ses cris, les amulettes sautillant comme un amas de criquets d’or et d’argent sur sa poitrine, s’interrompit pour cracher au pied du tamaris.
    Ali gronda, s’élança, et certainement aurait heurté son oncle si Muhammad, d’une poigne sévère, ne l’avait retenu. Dans un réflexe de peur, Abu Lahab, avec un gémissement de surprise, sautilla hors de portée.
    Puis il reprit contenance, fixa Ali avec dédain et amusement. Le cliquetis de ses amulettes s’apaisa. D’un revers de la main, il essuya ses lèvres et reporta son regard sur Muhammad.
    — Et tu as volé l’âme de son fils à ce pauvre Abu Talib, ricana-t-il en désignant Ali.
    Tous, servantes et serviteurs, Zayd, livide, Ashemou et Fatima, et même Abdonaï, là-bas, dressé comme un rempart devant Yâkût al Makhr, tous avaient les yeux rivés sur Muhammad. Et calquaient leur immobilité sur la sienne.
    Si bien qu’Abu Lahab, après un soupir de dépit, n’eut d’autre recours que d’insulter encore, s’épuisant dans une trop longue diatribe qu’il semblait avoir apprise par coeur afin de venir la cracher sur son ennemi :
    — L’enfer, c’est toi qui le connaîtras, Muhammad ibn Abdallâh ! Je le dis : pour l’éternité, tu auras l’haleine puante des démons ! Ce soir, mon frère aimé reposera dans la paume d’Hobal et d’Al’lat. Malgré toi, il habitera le royaume des champs fleuris, des vierges sans nombre, du bonheur et de la clémence infinis. Béni soit-il dans les cieux, notre maître Hobal ! Bénie soit-elle, Al’lat, notre déesse, qui peut tout sur la terre et jusque sous les pierres du désert ! Et moi, Abu Lahab Abd al Uzzâ Abd al Muttalib, puissant de Mekka et des Hashim, au nom de la Pierre Noire sacrée, je le jure : Muhammad ibn Abdallâh, tu n’es plus des nôtres. Que tu ne nous approches plus ! Qu’on ne t’entende plus ! Que tu ne manges plus en notre présence et que la dépouille de mon frère Abu Talib ne soit plus souillée par ton souvenir !
    D’un geste, Abu Lahab fit le signe de trancher la gorge de Muhammad. Puis, sans attendre de réplique, froissant les pans de sa cape de ses gros doigts comme si cela l’aidait à tenir l’équilibre, il fit une brusque volte-face.
    — Abu Lahab !
    La voix de Muhammad s’éleva à peine. Abu Lahab suspendit le mouvement de son corps, comme si une main invisible lui enserrait la nuque.
    Sans attendre qu’il se retourne, sans changer de ton, Muhammad dit encore :
    — Mon oncle aimé Abu Talib a été bon et doux pour moi de son premier souffle jusqu’au dernier. Pourtant, il a vécu avec obstination en incrédule. Je l’assure, Notre Dieu Clément et Miséricordieux ne lui fera pas de place au paradis. Le jour du Jugement, il est une Loi et une seule : l’engeance des incroyants, il n’y en a pas de pire, et pour elle Allah n’a pas de faiblesse. Pour toi aussi le temps du Jugement viendra, Abu Lahab. Toi qui n’es qu’un fétu sur le ruissellement puant de la géhenne. Sur ta bouche et dans tes yeux de fourbe, les mensonges scintillent comme les mirages du désert de Nefoud. L’hypocrisie luit sur ton visage. Tu exhibes ton or comme une cuirasse d’immortel, alors que ton impuissance est absolue. Mais tu l’ignores encore, Abu Lahab ! Tu ignores tout de ce qui t’attend ! Sais-tu ce qu’est al Hûtama ? Non ! Au jour du Jugement tu l’apprendras. Le feu brûlant d’Allah descendra dans tes entrailles. Il y grésillera mieux que de l’or fondu, et pour l’éternité. Abu Lahab ! Va, et décide ce que tu veux décider. Ce n’est pas toi qui crées le temps qui vient. Tu ne peux pas plus planter tes crocs en moi qu’une hyène au jour de sa naissance [6] .

Le retour de Ruqalya et d’Omm Kulthum
    Dès que la porte bleue de la maison fut refermée sur Abu Lahab et ses

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