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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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signalaient le départ d'une jeune fille de bonne famille qui complétait son éducation par un voyage «culturel» en compagnie d'un chaperon, toujours une tante ou une cousine décrépite d'un âge vénérable. D'autres fois, il s'agissait d'un jeune couple partant en voyage de noces. L'unique fille de Thomas Picard pouvait prétendre profiter de l'une ou l'autre de ces éventualités, sinon des deux.
    —    Est-ce que nous pouvons monter? demanda Edouard.
    —    Non. Seuls les passagers peuvent aller sur le navire, ou encore les employés de la compagnie de navigation.
    Devant le visage désolé du garçon, la préceptrice ajouta :
    —    Cependant, nous pouvons aller faire une promenade. Que dirais-tu d'une excursion à l'île d'Orléans ?
    Depuis leur visite à la librairie Garneau, la préceptrice jouissait de l'usage d'une «petite caisse», en quelque sorte, afin de répondre aux besoins des enfants Picard. Au début, son employeur avait contrôlé soigneusement les factures, pour se lasser bien vite de l'exercice.
    —    Allons-y, clama le garçon en tendant la main.
    —    Eugénie, qu'en penses-tu ?
    Elle donna son assentiment d'un mouvement de la tête. Le trio revint un peu vers l'est, avant d'embarquer sur un vieux vapeur remis en service tous les étés afin d'offrir des excursions de ce genre aux personnes prêtes à dépenser quelques sous. Le dimanche, l'affluence gâchait l'expérience. Un jeudi, le traversier se révélait confortable. Tout le long du trajet, Edouard se tint à la proue du navire, accroché au bastingage, comme un explorateur aguerri.
    Dans le village de Saint-Laurent, une longue promenade sur la plage précéda un repas à la terrasse d'un restaurant. Le retour s'effectua en milieu d'après-midi, au rythme poussif d'une machine à vapeur asthmatique. Au terme d'une journée de ce genre, les apprentissages se mesuraient en nouveaux mots mémorisés, mais surtout par une meilleure connaissance de la vie et des rapports sociaux. Pour des enfants ayant été confinés pendant des années dans la grande demeure de la rue Saint-François, cela paraissait convenir tout à fait.
    Le prestige du grand patron, dont Thomas aimait profiter, exigeait qu'il soit vu de ses employés au moins une fois par semaine. En conséquence, il s'astreignait à faire le tour de tous les rayons de son établissement, afin d'examiner à la fois la marchandise et sa présentation, parler avec le personnel et donner à chacun des petits chefs l'impression que rien, dans leurs opérations, ne lui échappait.
    —    Ces chaussures ne se vendent pas très bien, signalait un petit homme moustachu en désignant des souliers Oxford à la pointe piquée de motifs décoratifs.
    —    Tout de même, mieux vaut en avoir quelques paires dans les pointures les plus demandées. Si nous voulons attirer des clients plus nantis, impossible d'écraser tous les présentoirs sous une avalanche de bottes de travail.
    Le commerçant passa ensuite dans la section des vêtements pour homme, discuta un moment avec un vendeur des avantages comparés des caleçons de coton ou de laine lors des jours de grande chaleur.
    Ces deux rayons regroupaient un personnel masculin. Il en allait autrement des vêtements pour enfants, où Thomas s'attarda longuement. Une douzaine de jeunes filles, âgées de quinze à vingt ans, s'activaient auprès de mères de famille soucieuses de bien vêtir leur progéniture au meilleur coût possible. Un chef de rayon un peu affecté régnait sur ce petit monde.
    —    Est-ce que l'effet de la prochaine année scolaire commence à se faire sentir sur les ventes? demanda le grand patron à une personne qui, de dos, offrait une silhouette plutôt sculpturale.
    —    ... Pas encore, bredouilla la vendeuse en se retournant vers lui, intimidée.
    De face, la taille de son nez faisait injure à des traits autrement réguliers. Mal à l'aise, les yeux fuyants tellement elle était troublée d'être l'objet de son attention, elle balbutia en guise d'explication :
    —    Il fait encore trop beau. Deux ou trois jours avec un ciel couvert, et les parents commenceront à se soucier de l'école. Autrement, ils ne viendront pas avant la fête de l'Assomption, et la plupart attendront le dernier jour des vacances.
    Cela représentait un long discours. Elle le tint en rougissant.
    —    Tant pis, ne nous souhaitons pas de mauvais temps. Vous pouvez me rappeler votre nom ?
    —

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