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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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porte et viens t'asseoir. Puis cesse de crier comme un cochon à l'abattoir. Gertrude a encore une ouïe assez fine. En fait, elle n'est pas plus vieille que moi.
    Furibond, Thomas se décida tout de même à faire ce qu'on lui disait. Un moment plus tard, il occupait le fauteuil où, six ou sept heures plus tôt, se tenait Marie. Cependant, son hôte prit cette fois bien garde de ne pas approcher le sien.
    —    Tu n'es pas sérieux ?
    —    Au contraire, je ne te laisserai pas ruiner la vie de cette petite. Les lois sont assez claires : dans un cas comme le sien, le séducteur doit verser un dédommagement significatif à la partie lésée. Après tout, après une naissance illégitime, aucune femme ne peut trouver un bon parti. Puis il faut songer à l'éducation de l'enfant jusqu'à l'adolescence au moins.
    Thomas serrait les deux bras du fauteuil comme s'il tenait à les arracher. Il éructa :
    —Je n'ai jamais touché à cette...
    —    Prends bien garde à tes mots, interrompit son frère, une autorité nouvelle dans la voix. Le moindre qualificatif déplacé, et tu parleras demain à mon avocat.
    —    ... Je n'ai pas touché à cette... personne.
    Alfred croisa les jambes, posa son menton au creux de sa main gauche en affichant un air amusé.
    —    Je te l'ai déjà écrit, se livrer à des galipettes avec une femme troussée en travers de ton bureau, est non seulement de très mauvais goût, mais guère discret! Je témoignerai contre toi. Le faire avec une orpheline de dix-sept ans, la sœur du vicaire de la paroisse, tient de la folie pure.
    —    Tu n'as rien vu !
    —    Tu viens d'avouer... L'important n'est pas ce que j'ai vu, mais ce que je jurerai avoir vu. Tu ne tiendras pas longtemps devant un avocat. Si tu doutes de la détermination de Marie Buteau, tu as tort. Si tu doutes de la mienne, tu es un imbécile. Je paierai son avocat de ma poche.
    —    Salaud !
    L'homme fut sur lui en un instant, pour le saisir par les revers de sa veste. Le choc fut tel que le fauteuil se renversa et l'attaqué comme l'agresseur culbutèrent avec lui. Pendant quelques instants, ils s'empoignèrent réciproquement en grognant, roulant sur le plancher, comme cela s'était produit bien des fois, de l'enfance jusqu'à l'âge adulte.
    Et comme chaque fois depuis, ce fut Alfred qui eut le meilleur. À cheval sur le corps de son frère, il lui tenait les deux poignets fermement.
    —    Qu'est-ce que tu veux, exactement ? s'écria le commerçant, haletant sous l'effort pour se dégager.
    —    Ramener un peu de justice en ce monde. Tu as fait beaucoup de mal à cette jeune fille. Tu devras réparer au moins un peu.
    —    Si elle est enceinte, qui te dit que c'est de moi ? Tu crois que j'étais le premier? De mon côté, je me demande si l'enfant n'est pas de toi? Je t'ai déjà vu entrer dans le magasin en la tenant par la taille.
    Cette fois, Alfred se mit à rire franchement, toujours en maintenant son interlocuteur au sol.
    —    Tu devrais te faire une idée. Pendant des années, tu as raillé mes mœurs contre nature. Maintenant, tu essaies de me refiler la paternité de tes bâtards.
    —    C'est un complot tramé avec elle pour me soutirer de l'argent. Tu me l'as placée dans les pattes, tu as voulu qu'elle devienne ma secrétaire. Ensuite, ta putain est venue me faire du charme avec ses airs innocents...
    Au mot «putain», Alfred laissa aller le bras gauche de son opposant pour lui asséner un premier coup de poing à l'œil, puis un second encore plus fort, sur le côté du visage.
    Thomas, étourdi, cessa de lutter. En le secouant un peu, Alfred se pencha et prononça lentement, pour être bien entendu :
    —    Prends garde à ta langue, ou je te fais avaler tout un pain de savon de Marseille. Surtout, écoutes-moi bien. Cette gamine que tu as baisée était vierge des orteils aux cheveux.
    Si nous allons devant les tribunaux, tu risques de perdre, cela même si tu déniches les meilleurs avocats de Québec. Le riche parvenu contre la pauvre orpheline, cela n'augure rien de bon pour toi. Et si nous perdons, tu seras tout de même ruiné. Vois-tu, dans notre petit monde, le proverbe « Il n'y a pas de fumée sans feu » se trouve moins souvent mis en doute que l'existence de Dieu. Tous tes concurrents placeront ces mots dans leurs annonces : achetez chez nous, nous ne violons pas les gamines.
    L'autre grogna en essayant vainement de se dégager. Tout le

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