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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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temps, Elisabeth avait trouvé une pièce de lin.
    Quand elle revint dans la bibliothèque, elle trouva son patron calé dans son grand fauteuil, un cognac à la main, perdu dans ses pensées. Elle commença par imbiber le morceau de tissu d'eau froide, puis le posa contre le visage endolori.
    —    Tu es très bonne. J'ai bien peur de ne pas te mériter, murmura Thomas en posant sa main sur la sienne.
    Elle ne se déroba pas au contact, demeura penchée au-dessus de lui et répondit :
    —    Il y a quelques jours à peine, tes rapports avec ton frère paraissaient au mieux.
    —    Le mieux, entre nous, n'a jamais été très bon.
    Depuis le jour de l'An, le tutoiement permettait de souligner leur récente intimité quand ils étaient seuls. La nouveauté gardait toute sa puissance d'évocation. En lui prodiguant des soins qui semblaient être autant de caresses, Elisabeth l'amenait à de meilleurs sentiments :
    —    Pour te dire toute la vérité, j'ai commis une bêtise. Devant ma réticence à l'admettre, Alfred a utilisé son poing pour appuyer ses arguments.
    —    Une grosse bêtise ?
    —    Oui, j'en ai bien peur.
    La préceptrice trempait de nouveau la pièce de tissu dans le bassin. Au moment de la poser contre la joue, elle
    demanda :
    —    Cela concerne les affaires ?
    —    ... Non, mais les conséquences pourraient me coûter fort cher, et pas seulement au plan financier. Si tu savais...
    Les prêtres avaient raison de s'appuyer sur la pulsion des Canadiens français à se confesser. Encore un peu, et Thomas se déchargerait de tous ses péchés dans cette grande pièce silencieuse. Ce ne fut pas nécessaire.
    —    Cette bêtise est reliée au fait que j'ai repoussé tes avances Pété dernier, dans cet hôtel de Charlevoix ?
    L'homme demeura interdit, leva sur elle des yeux étonnés, mais ne put s'empêcher d'admettre :
    —    En quelque sorte, oui. Je t'en demande pardon.
    Elisabeth demeura un instant immobile, le souffle coupé, les yeux fermés. À la fin, elle laissa la toile tremper dans son bassin et quitta la pièce sans ajouter un mot de plus.
    Le lendemain matin, Alfred Picard franchit la porte du grand magasin un peu après huit heures. Il s'occupa tout de suite de préparer l'ouverture. Quand les premiers clients se présentèrent au comptoir, il fit signe à une vendeuse de s'occuper de la caisse avant de s'esquiver du côté de l'administration. Après avoir frappé un coup à la porte du bureau de son frère, il entra sans attendre de réponse et s'exclama d'un ton amusé :
    —    Tu dois avoir fait une mauvaise chute. Les hommes de la famille devraient se tenir loin de la Côte-à-Coton.
    Le visage du commerçant offrait une allure un peu effrayante. L'œil gauche tuméfié s'ouvrait à peine. Les marbrures bleues et rouges s'étendaient jusqu'à la pommette. Au cours des prochains jours, elles passeraient par un arc-en-ciel répugnant de teintes noires, violettes, vertes et jaunes.
    —J'ai expliqué à Edouard ce matin avoir glissé sur les pavés mal entretenus en revenant de mon rendez-vous d'affaires.
    —    Mon histoire était meilleure. Il est vrai que j'ai une plus grande expérience de ce genre de choses. J'espère que la nuit a été de bon conseil,
    Thomas n'avait pas fermé l'œil, supputant les menaces qui pesaient sur lui. Le scandale, si toute cette histoire devenait publique, entraînerait irrémédiablement sa ruine.
    —    Que veux-tu que je fasse, à la fin? Je ne peux pas lui proposer le mariage... j'ai déjà une épouse.
    —    Et si jamais ta bonne fée venait t'en débarrasser, je pense que tu as une jolie candidate sous la main pour tes secondes noces.
    L'homme serra les poings en jetant un regard plein de colère à son interlocuteur, mais la douleur dans toute la partie gauche de son visage lui rappela que mieux valait endurer les sarcasmes.
    —    Est-ce que je me trompe ? insista Alfred. Cela aussi fait partie du problème que l'on a sur les bras.
    —    S'il n'en tenait qu'à moi, oui, tu as raison. Mais comme tu le sais, les bonnes fées n'existent pas. Et si elles existaient, je ne suis pas certain qu'Elisabeth accepterait de m'épouser. Plus maintenant.
    Ce matin, Elisabeth ne s'était pas présenté au déjeuner. Elle avait expliqué aux enfants avoir mal à la tête, puis s'était barricadée dans sa chambre. Après sa demi-confidence de la veille, Thomas s'attendait à cette

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