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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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réaction.
    —    Tu veux dire qu'elle se doute de tes galipettes ?
    La mine dépitée du marchand lui indiqua que c'était le cas. Alfred secoua la tête, comme si pareil gâchis le laissait pantois, mais il n'ajouta rien.
    —    À la fin, vas-tu me dire ce que tu attends de moi ? interrogea-t-il en élevant la voix.
    L'autre lui fit signe de la main de faire moins de bruit, puis demanda :
    —    Reconnais-tu maintenant que tu as des responsabilités envers cette gamine, dont tu as ruiné l'existence, et envers son enfant qui est aussi le tien ?
    Le regard excédé fournit une première réponse, puis après une pause il concéda :
    —    Oui, tu as raison.
    —    Mais pourquoi diable as-tu fais cela ? Une beauté dont tu parais entiché habite sous ton toit, et tu prends l'une de tes employées en travers de ton bureau. Elisabeth ne te plaît pas?
    —Je suis fou d'elle, comme cela ne m'est jamais arrivé dans ma vie. Tu te souviens, avec Alice...
    Son mariage, presque dix ans plus tôt, avait réjoui les parents du jeune couple et consolidé des relations d'affaires. Les principaux intéressés avaient dès le début paru beaucoup moins enthousiastes envers le projet et les choses ne s'étaient pas améliorées ensuite.
    —    Alors, pourquoi ne la baises-tu pas ?
    Un long silence répondit à cette question, alors que l'embarras envahissait le visage de Thomas. A la fin, le chef de rayon s'esclaffa en disant:
    —    Tu la conserves intacte pour le bon motif! Même si tu ne crois pas à la bonne fée qui emporte avec elle les épouses détestables dans l'autre monde, tu gardes espoir.
    Chaque homme divisait la gent féminine en deux: celles qui pouvaient devenir les épouses et les mères de leurs enfants, et qui pour cela devaient demeurer vierges jusqu'à la cérémonie, et les autres offertes à toutes les entreprises de séduction. Personne n'accepterait de se contenter des restes d'un autre, et même des siens propres, si la consommation avait eu lieu avant le mariage, pour servir de mère à ses enfants.
    —    Et tu utilisais Marie pour te satisfaire, conclut Alfred. Pourquoi ?
    —    Tu es déjà resté cinq ans sans...
    —    Aussi longtemps, non. Et les bordels ? J'en connais au moins trois dans un rayon de deux mille pieds de ton domicile.
    —    ... Le scandale.
    La surprise se peignit d'abord sur les traits de son interlocuteur, puis celui-ci se mit à applaudir très fort tant de sottise. Après un moment, il continua :
    —    Je ne croyais pas que l'abstinence pouvait affecter si profondément le jugement d'un homme. Remarque, à entendre les sermons des curés, j'aurais dû me douter... Jusqu'à aujourd'hui, je les croyais imbéciles de naissance.
    —    Mais que veux-tu de moi, à la fin ?
    La figure désemparée de son frère convainquit Alfred de mettre fin à ce jeu cruel.
    —    Marie aura besoin de support, commença-t-il en tirant de sa poche une feuille de papier soigneusement pliée. Il faudra que tu lui viennes en aide.
    —    ... Si cela n'excède pas mes moyens.
    —Juste avec les profits que tu feras grâce à la spéculation sur les terrains dans le port, tu seras en mesure de faire face à tes obligations. Mademoiselle Buteau veut bien renoncer à des poursuites, mais pour ne pas s'exposer à souffrir de ta mémoire défaillante, elle aimerait une petite reconnaissance
    de tes torts.
    L'homme plaça la feuille de papier sur la surface du bureau. Thomas baissa les yeux pour lire: «Je reconnais avoir mis Marie Buteau enceinte. Signé le 5 janvier 1897.» L'espace pour apposer son nom précédait la date.
    —Je ne signerai pas une chose semblable. Ce serait vivre avec un revolver pointé sur ma tempe en permanence.
    —    Elle sera en permanence mère, à cause de toi. Je garderai le document dans le coffre secret d'Euphrosine. Cette reconnaissance de ta responsabilité est bien moins dangereuse qu'un procès, crois-moi. A moins que tu ne deviennes particulièrement négligent de tes obligations, personne n'en entendra parler.
    —Je ne peux pas. Toi-même, jamais tu n'accepterais...
    Ce genre de confession permettrait à son détenteur de le ruiner au moment où il le voudrait. Qu'elle demeure dans les mains d'une personne fantasque rendait la menace pire encore.
    —    En réalité, tu n'as pas le choix. Ou tu signes, ou je sors d'ici pour aller rencontrer un avocat sur-le-champ.
    Après le rouge de la colère, la

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