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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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regard, n'ajouta rien au bénéfice du cocher. La préceptrice enchaîna :
    —    Monsieur Picard, avez-vous participé à l'organisation de ces festivités?
    —    Un peu, mais avec les élections encore cette année, je me suis fait discret. Parfois, mieux vaut ne pas se trouver sur
    toutes les tribunes.
    La question anodine était une petite ouverture. En répondant, Thomas chercha la main de la jeune femme sous la fourrure. Celle-ci ne se déroba pas. Un peu plus tard, l'homme ramenait la main gantée vers lui, pour la garder dans la sienne, alors que leurs yeux se rencontraient.
    Au coin de la rue de la Couronne, le cocher prit la direction sud. Il s'engagea sur la Côte-d'Abraham, bifurqua bientôt pour emprunter la Côte-Sainte-Geneviève. Le cheval progressait à pas lents sur la rue escarpée, Napoléon Grosjean l'encourageait par de petits claquements de langue. A l'intersection de la rue Saint-Jean, il choisit d'aller vers l'ouest. Bientôt, les promeneurs passèrent sous une porte monumentale faite de blocs de glace, érigée par des habitants à l'esprit festif. En captant la lumière du soleil, la construction jetait des reflets irisés.
    — Regarde comme c'est joli, Edouard.
    Le garçon projetait sa tête vers l'arrière pour tout voir et, au moment où la carriole passa sous la construction éphémère, il se pencha au point de choir en riant, convaincu que les bras d'une grande blonde le recevraient sans peine. Après l'avoir aidé à reprendre sa place, la jeune femme se cala dans son siège, s'appuya un peu plus lourdement contre le corps de son patron et chercha elle-même à rétablir le contact de sa main.
    Le traîneau emprunta ensuite la rue Claire-Fontaine afin de rejoindre la Grande-Allée. Brièvement, il progressa vers l'ouest. Quand il passa devant l'orphelinat des sœurs du Bon Pasteur, Elisabeth serra la main de son compagnon en échangeant avec lui un regard chargé de chagrin. Ensuite, Grosjean s'engagea dans les plaines d'Abraham, s'arrêta sous les murs de la grande prison en disant, un peu comme un conducteur
    de tramway:
    —    Premier arrêt.
    Le quatuor descendit, un peu peiné de laisser la chaleur de la robe de fourrure.
    —    Nous reviendrons dans une heure environ.
    —    Je vous attends ici.
    Le cocher chercha une épaisse couverture au fond de la carriole. Bientôt, il la posa sur le dos du cheval. Cette précaution s'imposait, car l'effort pour monter à la Haute-Ville avait mis de l'écume sur les flancs de la bête. Avec le froid de cette journée de février, elle risquait de crever. Plein de prévenance, il lui accrocha même sous le museau un sac d'avoine. Ses attentions n'allaient pas qu'aux femmes frileuses et romantiques.
    A l'est de la prison, on avait aménagé une grande piste ovale. A l'approche de la famille Picard, une cinquantaine d'hommes chaussés de raquettes s'époumonèrent afin d'atteindre le fil d'arrivée. Tous portaient un curieux accoutrement, un manteau de drap de laine écru décoré de bandes de couleur parallèles au bas du vêtement. Il s'agissait d'une adaptation du costume des voyageurs de la région du nord-ouest, les hommes qui convoyaient les fourrures du Manitoba jusqu'à Montréal au début du siècle. A l'origine, ce vêtement était taillé dans les couvertures de traite de la Compagnie de la Baie d'Hudson.
    Courir comme cela, les jambes écartées, des raquettes tout de même assez lourdes attachées aux pieds avec des lanières de cuir, se révélait très exigeant physiquement. Pourtant, des rires, plutôt que des cris d'admiration, fusaient autour du grand ovale.
    —    Ils devraient enlever cela, commenta Edouard avec sagesse. De toute façon, la neige est toute tapée.
    Le constat du garçon résumait bien la situation. Sur ce terrain, les raquettes ne servaient qu'à entraver la progression des compétiteurs, alors que la surface durcie leur aurait permis de courir à toute allure, avec leurs mocassins.
    —    Mais le but de ce sport, c'est de marcher avec des raquettes.
    —    C'est un sport idiot.
    Comme pour lui donner raison, un homme oublia d'écar-ter suffisamment ses jambes, sa raquette gauche donna brutalement contre sa cheville droite. Il s'affala de tout son long dans un cri. Une demi-douzaine d'autres compétiteurs butèrent contre lui ou alors les uns contre les autres en essayant de l'éviter. Dans la mêlée générale, celui qui jusque-là avait été en dixième place termina

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