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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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bientôt une sortie dans le monde.
    —    ... Veux-tu dire que je dois me laisser voler? C'est comme pour le manteau de fourrure que tu lui donnes...
    Les yeux de Thomas prirent une teinte mauvaise, au point que la malade s'arrêta, interdite.
    —    Ce manteau est à sa place habituelle. Que veux-tu insinuer ?
    —    Avant de prendre totalement ma place, elle s'empare de mes choses.
    —    Tu deviens folle à lier. Tu ne quittes jamais cette chambre, personne ne peut venir te voler.
    Alice savait marcher sur une glace très mince. Un diagnostic de maladie mentale lui pendait au bout du nez.
    —    Je suis allée prendre un bain hier, avec l'aide de Joséphine. A mon retour dans la chambre, le tiroir de la commode était entrouvert. J'ai regardé, la broche que tu m'as offerte au moment de nos fiançailles avait disparu.
    —    Où veux-tu en venir, exactement ? demanda-t-il après
    un haussement d'épaules.
    —    Allons fouiller sa chambre, tout de suite.
    La femme avait crié à tue-tête. Comme elle parlait peu depuis des années, sa voix ressemblait à un croassement. Thomas pensa à ces corbeaux qui hantent les cimetières.
    —    Il n'en est absolument pas question, répondit Thomas sur le même ton.
    —    Tu protèges ta putain.
    L'homme aspira profondément. Quand il avait utilisé le même qualificatif à propos de Marie Buteau, Alfred le lui avait fait ravaler à coups de poing. Cela ne se produirait pas ce soir, mais il comprit alors très bien la réaction de son frère.
    Il retourna vers la porte restée ouverte, Alice quitta son fauteuil pour le suivre. Dans le corridor, Thomas se retrouva devant Eugénie, debout dans l'embrasure de sa chambre, des larmes sur les joues. Edouard se tenait au milieu de l'escalier conduisant au grenier, Elisabeth lui posait une main sur l'épaule.
    —    Elle a volé l'un de mes bijoux et tu la laisses faire, cria encore Alice en pointant cette fois un doigt accusateur en direction de la préceptrice.
    Celle-ci échangea un regard avec Thomas, descendit les quelques marches pour les rejoindre sur le palier, puis elle s'agenouilla sur le plancher en face de la fillette, de telle façon que celle-ci la dépassait maintenant d'une tête. De sa voix la plus douce, elle expliqua :
    —    Eugénie, va chercher ce bijou dans ma chambre. Tu le sais bien, la porte n'est jamais fermée à clé.
    Un long moment, la gamine fixa ses grands yeux bleus dans les siens. La même couleur que ceux de sa mère, tout comme les cheveux: la ressemblance frappait tous ceux qui avaient connu Alice au même âge.
    —    Tu sais, je ne t'en veux pas, ce n'est pas ton idée. Je continue de t'aimer tout autant. Mais imagine la peine que tu fais à Jésus. Tu dois communier pour la première fois dans une dizaine de jours. Tu crois que tu pourras, après un pareil mensonge ?
    Les yeux de la fillette allèrent vers ceux de sa mère. Celle-ci se mordait les lèvres, tellement rageuse qu'elle avait du mal à se contenir. Puis elle regarda son père, qui donna son assentiment de la tête. Cette scène devenait grotesque.
    —    Fais-moi confiance, insista Elisabeth d'une voix caressante. Présentement, tu te sens bien malheureuse. Dans un moment, tout le poids disparaîtra.
    De la main, la préceptrice désignait l'espace entre ses seins. Thomas le devina, ce petit geste discret lui permit de sentir la présence du camée.
    Eugénie sembla arracher ses pieds du sol. Les yeux rivés au plancher pour ne pas croiser ceux de sa mère, elle se dirigea vers l'extrémité du couloir, entra dans la chambre de la jeune femme, revint un moment plus tard. Élisabeth présenta la main pour recevoir le bijou dans sa paume, puis ouvrit les bras. Dans un sanglot, la fillette s'y précipita. Malgré le poids de l'enfant, elle se remit debout, se tourna vers Alice en la fixant des yeux. Elle réussit à tendre un peu la main en disant:
    —    Madame, je crois que ceci est à vous.
    —Je ne savais pas... prétendit la mère. Puis en parlant à sa fille qui essayait de cacher ses larmes dans la chevelure de la préceptrice : Pourquoi m'as-tu joué ce mauvais tour ?
    La malade serra la broche dans sa main au point de se faire mal. Un instant plus tard, Elisabeth entra dans la chambre d'Eugénie, réussit à fermer la porte derrière elle du bout du pied. A
    —    Edouard, que dirais-tu de regagner ton lit, proposa le père. De toute façon, il est un peu tard,

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