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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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    —    Pourquoi pas ? Les entrepreneurs avec qui nous faisons affaire doivent se réserver une marge de vingt pour cent. Autant la mettre dans notre poche.
    —    Mais cela veut aussi dire multiplier le personnel, acheter des immeubles, des machines. Tu ne pourras pas veiller à tout toi-même. Tu embaucheras un gérant qui mangera au moins la moitié de cette économie.
    —    Ce qui nous laissera tout de même dix pour cent !
    Thomas espérait maîtriser à la fois la confection et la
    distribution des biens offerts dans son grand magasin, pour contrôler l'ensemble des coûts.
    —    Mais tu ne peux pas t'occuper en même temps du magasin et diriger les ateliers.
    —    Toi, tu le pourrais. Nous devrions tout simplement embaucher un autre chef du rayon des vêtements féminins. Bien sûr, cela voudrait dire que tu y mettrais tout ton temps. Je suis passé hier à ton département pour te parler, en vain.
    Alfred savait, depuis que Marie Buteau avait évoqué la visite de son frère la veille, que le sujet de son absence en plein après-midi viendrait dans la conversation.
    —    J'ai eu une course à faire.
    Pendant ce temps, la vieille dame jetait un coup d'œil désapprobateur sur Elisabeth. Celle-ci se trouvait penchée sur l'assiette d'Edouard, occupée à couper la viande. Dans cette position, personne ne voyait ses joues cramoisies.
    L'attention de l'aïeule se porta enfin sur la conversation entre les deux frères :
    —    On ne peut pas laisser son commerce une seule minute, décréta-t-elle d'une voix cassante. Si un client ne voit personne derrière le comptoir, il va ailleurs, souvent en glissant un menu objet dans sa poche.
    —    Marie Buteau peut très bien s'occuper du département.
    —    Une autre donzelle pour s'occuper des tâches de mes fils ? Cela devient une manie.
    Au moins pour la moitié de l'énoncé, Thomas se révéla d'accord avec sa mère en précisant:
    —    Une gamine que tu as embauchée avant les fêtes ! Sois un peu sérieux. Mais ce n'est pas ce dont je veux discuter aujourd'hui. Je songe à lancer une manufacture de gants cet été, une petite entreprise, quarante filles tout au plus, quatre contremaîtres et un mécanicien. Veux-tu gérer cette boutique ?
    —    ... Il faut un approvisionnement de cuir, de tissu, des machines spécialisées.
    —J'ai rencontré quelques tanneurs. Une société américaine est prête à envoyer des spécialistes pour installer les machines et former les contremaîtres.
    —    Un projet bien mûri déjà ! Je parie que tu as déniché un local.
    Dans ce genre de situation, Alfred préférait se dérober, jouer l'admirateur des initiatives de son frère, sans se compromettre. Rien ne lui répugnait autant que de voir son cadet décider du cours de sa vie.
    —    Une bâtisse de bois un peu branlante, à la Pointe-aux-Lièvres, fera très bien l'affaire pendant quatre ou cinq ans. Après, on verra.
    —    Tu ne vas pas t'endetter? questionna la vieille dame.
    —    Non, maman. Nous avons généré assez de profits avec le nouveau magasin pour lancer cette petite manufacture.
    —    Tu sais que ton père a construit ce magasin en payant comptant?
    C'était une curieuse façon de faire des affaires, mais Théodule Picard n'avait jamais demandé une avance à un banquier. Quarante ans plus tôt, son épouse Euphrosine avait commencé à vendre des tissus dans le magasin général de la famille. A force de travail, l'entreprise avait grandi sous sa direction prudente. Au fond, le rôle de son mari avait été accessoire.
    —    Je sais tout cela ! répondit Thomas, un peu agacé. Dans mes vieux jours, j'écrirai l'histoire héroïque du grand homme et de son admirable épouse. En attendant, je veux une réponse: Alfred, acceptes-tu de t'occuper de cette nouvelle manufacture? Si cela va bien avec les gants, nous verrons pour les robes, les manteaux...
    —    Je vais te décevoir une nouvelle fois: notre père m'a laissé un sixième des actions et la responsabilité du rayon des vêtements pour femmes. Alors je continuerai à toucher un sixième des profits et mon traitement. Cela me suffit.
    —    C'est parce que tu manquais de sérieux que ton père a préféré ne pas te laisser à la tête de l'affaire, jugea bon de rappeler la mère. Mais si tu t'occupes de cette manufacture, Thomas voudra certainement te rétribuer en actions. Avec le temps...
    Alfred regarda son
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