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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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    —    Dites-le-moi, si je suis trop indiscrète. J'aimerais savoir de quoi souffre votre femme. Je ne l'entends jamais tousser...
    —    Non, ce n'est pas la consomption. Vous n'avez pas à craindre la contagion. L'explication la plus simple, c'est qu'elle souffre d'une maladie cardiaque. C'est vrai, elle a un souffle au coeur. Le médecin m'a même invité à écouter dans son stéthoscope. On entend comme un petit chuintement. Tout le monde, à Saint-Roch, connaît ce diagnostic.
    —    ... Il y a une explication plus complexe ?
    L'homme avait pris une nouvelle bouchée. Un moment,
    il contempla sa vis-à-vis, songeur, puis poursuivit :
    —    Comme vous habitez dans la maison, autant vous le dire. Je m'attends cependant à la plus grande discrétion. Après la naissance d'Edouard, elle a fait de la neurasthénie. Selon le médecin, cela arrive assez souvent. Il s'agit d'entourer la jeune mère d'attention, le temps que les choses aillent mieux. Généralement, cela donne des relevailles un peu plus longues, sans plus...
    Même à la ville, ces traditions se conservaient intactes. La nouvelle accouchée comptait sur une proche parente pour l'aider à se «relever».
    —    Sa mère est venue l'aider, je suppose.
    —    Sa mère est morte au moment de l'épidémie de variole, en 1885. Et vous avez rencontré la mienne. Mettre Alice entre ses mains aurait été une condamnation à mort.
    Elisabeth répondit par un sourire à celui de son patron. Madame veuve Théodule Picard, affublée du délicat prénom d'Euphrosine, aurait fait des ravages dans la maison d'une nouvelle maman.
    —    Non seulement cette dépression ne s'est pas estompée, mais la situation me paraît se détériorer sans cesse. Pendant un certain temps, nous avons eu une jeune bonne avec nous. Au départ de celle-ci, j'ai préféré avoir recours à vous.
    Bien sûr, Thomas Picard choisit de ne pas préciser qu'au moment de la naissance de son jeune fils, il venait, à vingt-cinq ans, de prendre le relais de son père à la tête de l'entreprise familiale. Cette même année, le grand magasin de six étages qui avait engouffré toutes ses économies recevait ses premiers clients. Cela signifiait des journées de dix-huit heures parfois, et toujours une humeur désagréable causée par le manque de sommeil et l'inquiétude. Alice n'avait eu aucune chance de trouver chez lui l'attention dont elle avait besoin.
    —    Mais quelles sont vos questions pressantes sur l'éducation de ma progéniture? demanda Thomas après un moment, heureux d'en venir à un sujet moins compromettant.
    —J'essaie de leur enseigner les bons usages de la vie en société. Compte tenu de leur position à Québec...
    Elle voulait dire que les enfants du marchand le plus en vue de la ville attiraient nécessairement les regards.
    —    J'ai vu cela à table, ces derniers jours. Vous avez beaucoup de succès: même Edouard se comporte en monsieur.
    —    C'est un petit homme, déjà.
    Un peu plus, et Elisabeth aurait ajouté «comme vous». Elle continua :
    —    Vous avez sans doute remarqué, ils tutoient tout le monde. Je me demande même s'ils soupçonnent que le mot «vous» existe.
    —    Il vous faudra le leur enseigner, bien sûr.
    —    Cela, je l'avais deviné, commenta-t-elle dans un sourire. Désirez-vous qu'ils vouvoient leurs parents ?
    La question laissa un moment Thomas Picard songeur. Bien sûr, comme tout le monde à Saint-Roch, il avait tutoyé Théodule. Mais la préceptrice avait raison. Ses enfants ne passeraient pas leur vie dans la Basse-Ville. Le fait qu'il demeure encore rue Saint-François, plutôt que dans Grande-Allée, représentait une anomalie qui serait éventuellement corrigée.
    —    Qu'en diraient les ursulines? questionna enfin le commerçant.
    —    Elles pencheraient certainement pour l'usage du «vous», mais comme madame votre mère l'a fait remarquer, elles n'ont pas donné naissance à beaucoup d'héritiers.
    —    Mais à ce sujet, je leur ferai confiance. Elles ont élevé toutes les filles de la Haute-Ville depuis plus de deux siècles.
    Thomas avala les dernières bouchées de son repas alors que sa compagne buvait son thé à petites gorgées. Bientôt, il demanda :
    —    Venez avec moi dans mon bureau pour prendre un digestif. Nous serons plus à l'aise.
    —    Je n'ai jamais avalé une goutte d'alcool.
    —    Je m'en voudrais de rompre une si belle

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