Faubourg Saint-Roch
descendre ses bas jusqu'à ses chevilles, puis se releva pour se déchausser.
Assis sur un banc près de la voie ferrée, Thomas observait la scène, fasciné. Voir la jolie femme se déchausser de cette façon, au milieu de la plage, lui procura une érection immédiate. Elle s'accroupit encore pour mettre ses bas dans ses chaussures, troussa juste un peu sa robe et son jupon pour s'avancer dans l'eau.
— C'est très froid, observa-t-elle pour le garçon venu la rejoindre.
— Pas tant que cela. Puis on s'habitue.
Pourtant, lui ne s'y faisait pas, la chair de poule se répandait sur ses bras et ses jambes. Eugénie, un peu plus loin, marchait dans l'eau, poussant de petits cris quand une vague lui mouillait les mollets.
Malgré tout, Elisabeth préféra demeurer où elle était, fouillant le sable du bout de ses pieds avec l'espoir de déloger de petits cailloux rendus bien lisses par l'action des flots. Malheureusement, ceux qui lui semblaient d'une couleur intéressante à travers cinq pouces d'eau se montraient d'un brun sans éclat quand elle les ramenait en surface.
— Nous rejoignons papa ? demanda Eugénie après une demi-heure à jouer dans les vagues.
— Cela vaut mieux, car bientôt tu commenceras à claquer des dents. Edouard, viens avec nous.
Pour la forme, le garçon protesta bien un peu. Sur la plage, Elisabeth ramassa ses souliers. Thomas regarda le trio venir vers lui. En réalité, il ne voyait que la jeune femme, un soulier dans chaque main, rieuse, des mèches bouclées de ses cheveux détachées de son ruban, emportées au vent. Deux ou trois pouces de sa robe et de son jupon, trempés par l'eau du fleuve, amassaient du sable sur son chemin.
—Je devrai faire nettoyer ces vêtements en rentrant à l'hôtel, commenta-t-elle en prenant place près de son employeur sur le banc.
— Le service de nettoyage sert exactement à cela. Vous joindrez les maillots...
Elle acquiesça, les yeux perdus au large. A cette hauteur, l'autre rive du fleuve demeurait invisible. Les habitants de la région parlaient de la mer avec raison. Une mer où la navigation se faisait parfois dangereuse, comme en témoignait quelques naufrages tous les ans. Quant à Thomas, ses yeux restaient irrésistiblement attirés par les pieds nus de la jeune femme, longs et fins, couverts du sable de la plage. Il se penchait un peu vers l'avant, afin que personne ne remarque son état. A la fin, il suggéra d'une voix qui sonnait un peu faux:
— Les enfants, allez vous changer. Nous rentrons à l'hôtel pour prendre une collation... Elisabeth va vous accompagner.
Bien sûr, cela allait de soi, ne serait-ce que parce qu'elle devait se sécher les pieds, remettre ses bas et ses chaussures. Toutefois, il tenait surtout à ne plus sentir son corps près du sien.
— Eugénie, tu voudrais bien passer la journée avec moi ?
Immense concession de sa part, Alice Picard acceptait de
partager le déjeuner de la famille dans la salle à manger de l'hôtel. Sa maigreur lugubre suscitait de petits murmures aux tables voisines, sur la nature de sa maladie et les pauvres enfants promis à devenir orphelins si jeunes. Sa présence dans la pièce n'améliorait l'appétit de personne.
— Nous voulons aller faire une promenade en bateau, plaida la petite fille.
— Un grand bateau avec une voile rouge, compléta le garçon.
Alice posa ses yeux misérables dans ceux de sa fille. Après un silence un peu long, elle continua :
— Tu comprends, c'est un peu ennuyant de rester seule toute la journée dans cet hôtel.
Sans compter que la malade, afin d'ajouter à son malheur et cultiver son teint blafard, ne se donnait pas la peine de marcher jusqu'au grand fauteuil de rotin muni d'un coussin moelleux placé devant la porte de la chambre, sur la véranda.
— ... Je resterai, murmura bientôt la fillette, forcée à l'abdication par le regard fiévreux posé sur elle.
Quelques minutes plus tard, après être passé à la chambre afin d'utiliser la toilette et de revêtir une veste de toile solide, Thomas lâcha au moment de sortir :
— Non seulement tu aimes gâcher chacune de tes journées, mais tu veux faire de même pour celles de ta fille.
Avant que sa femme puisse formuler une réponse, l'homme préféra quitter la pièce. Quelques minutes plus tard, Elisabeth et Edouard le rejoignirent dans le hall de l'établissement.
— Nous allons prendre
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