Fausta Vaincue
liberté… Le lendemain, monseigneur, vous devez quitter Paris avec Léonore et Violetta… Eh bien, écoutez ceci : le vingt et un d’octobre, il n’y aura pas de concile ! Nul ne viendra vous chercher de la part de Fausta, parce que Fausta sera morte !… Et vous, monseigneur, vous vivrez ! Libre à vous, alors, de rechercher celle que vous aimez… et… mon enfant !…
Le cardinal haletait. Claude lui appuya sa large main sur l’épaule.
– Vous les chercherez donc, comme je chercherai de mon côté… Mais écoutez encore ceci, monseigneur ! Lorsque vous aurez trouvé, alors, mais alors seulement, il sera temps pour moi d’user du droit que j’aurai de vous tuer… Adieu, monseigneur !
– Grâce ! hurla Farnèse en tombant à genoux.
– Me faites-vous grâce, vous ?…
– Oui ! rugit Farnèse avec un terrible soupir.
– Vous consentez donc ?…
– Je consens !…
– Le vingt et un d’octobre, nous allons ensemble au rendez-vous de Fausta ?…
– Oui ! oui !… Ensemble !…
– Et le lendemain, nous partons ensemble pour l’Italie ?…
– Oui, oui !… Nous partons ensemble ! Tout ce que tu m’as demandé, je l’accorde !…
Le cardinal se releva alors et darda vers le ciel un regard où il y avait une interrogation suprême… Claude, lui, avait baissé les yeux. D’une voix redevenue humble, avec une douceur et une tristesse étranges, il murmura :
– Je vous remercie, monseigneur !… D’ici là, je ne vous quitte pas !…
« Oh ! gronda Farnèse en lui-même, honte affreuse ! Ma fille vivant avec le bourreau !… »
Et à ce moment, maître Claude le bourreau songeait ceci :
« Ma Violetta, ma douce violette d’amour, mon pauvre ange bien-aimé, ne crains rien de moi ! Ne redoute pas que je t’inflige la honte de vivre près du bourreau !… Que j’assure seulement ton bonheur !… Que je te voie une fois resplendissante de ta félicité près du jeune prince que tu aimes… que tu tiendras de moi !… Et alors… adieu pour toujours… je disparaîtrai… dans la mort !… »
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Chapitre 11 LA MERE
L a matinée était pure. Huit heures venaient de sonner à la vieille abbaye aux murs à demi écroulés, d’où, plus tard, Henri de Béarn devait contempler Paris assiégé par son armée. Dans les fourrés des pentes de Montmartre, les rouges-gorges, les pinsons et les moineaux chantaient à cœur-joie ; les fleurs sauvages s’ouvraient au soleil, les grands châtaigniers balançaient au souffle des brises matinales leurs branches d’où tombaient des feuilles roussies ; il y avait dans l’air cette inexprimable gaieté qui, au réveil des choses, est pour l’homme un enchantement dont jamais il ne se lasse.
Pourtant, Fausta, qui montait à ce moment les rampes de la montagne, était sourde à ces cris des oiseaux, aveugle à cette lumière douce, un peu pâle et si exquise des ciels parisiens. Fausta, malgré la gaieté rayonnante de cette jolie matinée, demeurait parfaitement sombre et tenait avec elle-même de ces terribles colloques dont nous avons surpris quelques-uns.
Quand on fut arrivé vers le sommet, la litière s’arrêta. Fausta descendit. Mais au lieu d’aller sonner à la grande porte de l’abbaye, elle se dirigea vers ces quelques chaumières qui s’étaient bâties autour du couvent des Bénédictines, et qui constituaient le hameau de Montmartre.
Elle entra dans une de ces pauvres maisons au toit de chaume, aux poutres saillantes, dont les intervalles étaient remplis d’une sorte de plâtras de terre glaise simplement séchée au soleil. L’intérieur était aussi misérable que l’annonçait l’extérieur de cette chaumière.
C’est là que Fausta entra.
Une femme âgée, assise assez près de la porte pour jouir de la lumière et de l’air, filait une quenouille. A la vue de Fausta, cette femme se leva précipitamment ; mais la visiteuse, d’un geste gracieux, l’obligea à se rasseoir.
– La bonne dame de Paris ! avait murmuré la paysanne.
Fausta, sans façon, et avec une charmante condescendance, prit elle-même un escabeau et s’assit près de la paysanne.
– Eh bien, bonne femme ? dit gaiement la visiteuse. Déjà de si bonne heure à l’ouvrage ?
– Hélas, ma noble dame ! fit la paysanne. Voilà que je me fais vieille et que l’heure approche où il faudra que je dise adieu à ce monde…
– Et alors ? dit Fausta.
– Alors… la toile coûte
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