Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Fausta Vaincue

Titel: Fausta Vaincue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
bien cher… et pourtant, je veux me présenter dignement dans l’autre monde…
    – Et alors ? répéta Fausta.
    – Alors, je file mon linceul, dit simplement la paysanne [5] .
    Fausta demeura saisie. La vieille la regardait, surprise de son étonnement, et continuant à faire tourner son rouet…
    – Grâce à vous, ma noble dame, reprit-elle, grâce aux pièces d’or que vous m’avez données, mon linceul sera du plus beau lin, et il me restera encore assez d’argent pour payer d’avance les messes nécessaires au salut de mon âme, et encore il en restera assez pour la layette de l’enfant que ma fille va mettre au monde…
    Tout naturellement, cette vieille faisait passer les affaires de la mort avant celles de la naissance : le linceul d’abord, la layette ensuite.
    – Je vous en donnerai d’autres, dit alors Fausta en secouant cette sorte d’impression pénible qu’elle venait d’éprouver ; je vous en donnerai assez pour assurer une heureuse vieillesse, à vous, et une heureuse enfance à l’être que vous attendez…
    – Que Notre Dame vous bénisse !…
    – 
Amen !
dit gravement Fausta. Mais, dites-moi, bonne femme, avez-vous fait ce que je vous ai demandé ?
    – Oui, ma noble dame. Depuis votre visite bénie, mon fils ne quitte plus la bohémienne ; il la suit pas à pas, selon vos ordres, partout où elle va… sans se montrer à elle, c’est bien entendu…
    – Et depuis, elle n’a pas essayé de s’écarter de cette montagne ?…
    – Non. La bohémienne rôde autour de la sainte abbaye sans jamais y entrer, mais sans jamais s’en éloigner non plus… Quand elle a faim, elle vient ici ; le soir, bien tard, quand la terre est noire, nous entendons son pas qui s’approche, et puisque vous témoignez tant d’intérêt à cette créature du diable, nous lui avons fait un lit, un bon lit de sainfoin dans le fournil… Votre Excellence peut juger si nous pouvions faire plus et si des chrétiens comme nous pouvaient admettre plus près la compagnie d’une damnée…
    La paysanne fit un signe de croix et Fausta l’imita.
    – Je vous tiendrai compte de votre zèle, dit-elle, et croyez bien que si cette compagnie peut vous attirer quelque désagrément dans l’autre monde, je saurai vous en récompenser dans celui-ci.
    – Que la volonté du ciel s’accomplisse ! dit la vieille en saisissant les trois ou quatre écus d’or que lui tendait la visiteuse. J’espère en être quitte avec une ou deux messes de plus.
    – Et où est maintenant la bohémienne ? demanda Fausta.
    La vieille esquissa un geste vague :
    – Partie dès le chant du coq. Elle va et vient, descend, remonte, et aime souvent à se reposer auprès de cette croix noire que vous n’aurez pas manqué de remarquer, ma noble dame. Le plus souvent elle rôde autour du couvent…
    – Mais elle n’y entre jamais ?…
    – Du moins, mon fils ne l’a jamais vue y entrer.
    – C’est bien, bonne femme. Voulez-vous envoyer quelqu’un à la recherche de votre fils ?
    La paysanne se leva, serra soigneusement dans le bahut les pièces d’or qu’elle venait de recevoir, et sortant sur le pas de sa porte, dit quelques mots à un marmot qui partit en courant. Vingt minutes plus tard, le fils de la paysanne arrivait et, le bonnet à la main, attendait que la noble dame lui donnât ses ordres.
    – Où est la bohémienne ? demanda Fausta.
    – Là bas, fit le jeune homme en étendant le bras dans la direction du couvent.
    – Conduis-moi auprès d’elle…
    Le paysan s’inclina et se mit à marcher devant Fausta. Il contourna les murs du couvent et parvint à la brèche située près du pavillon. Là, Fausta aperçut Saïzuma qui, assise sur une pierre du mur éboulé, et dominant ainsi les terrains de culture du couvent, regardait fixement devant elle.
    – Tu peux te retirer, dit-elle à son guide qui s’empressa d’obéir. Alors Fausta franchit la brèche sans que la bohémienne parût prendre garde à elle. Quand elle fut dans le jardin, ou du moins ce que les nonnes appelaient le jardin, car tout était à l’abandon dans cette abbaye, elle se retourna vers Saïzuma, et d’une voix très douce :
    – Pauvre femme… pauvre mère…
    Saïzuma abaissa son regard sur la femme qui lui parlait ainsi, et la reconnut aussitôt, car il semble que, dans la folie, si la direction générale de la pensée est abolie dans le cerveau, certaines facultés particulières demeurent intactes.

Weitere Kostenlose Bücher