Favorites et dames de coeur
1684). Elle fut peu à peu dépouillée de ses privilèges au profit de ses enfants. Son fils légitime, le marquis d’Antin, admis à la cour, devint titulaire d’une lieutenance au régiment du Roi.
Françoise aima toujours les divertissements et les fêtes, quand bien même elle n’en était plus l’ornement. Organisant des bals masqués et autres festivités pour ses enfants, elle moquait avec esprit le sérieux compassé de Mme de Maintenon. Toutefois, dès septembre 1686, elle ne fut plus invitée aux « Marly » et s’en plaignit au roi. Elle éprouvait quelque mal à « dételer » de la vie de cour, même si, l’âge venant, elle pensait à son salut. Lorsque sa dernière fille, Mlle de Blois, lui fut retirée pour être élevée par une préceptrice en vue de son mariage avec le duc de Chartres 143 .
Françoise n’eut plus aucun motif de rester à la cour ; espérant que Louis XIV la retiendrait, elle annonça son départ. Mais le roi accepta et elle quitta définitivement la cour (mars 1691) où elle avait passé trente ans. Elle se retira à Clagny, puis au couvent parisien des filles de Saint-Joseph, rue Saint-Dominique.
Elle revenait parfois à Versailles, remarquant qu’on l’oubliait déjà. Elle ne fut même pas invitée au mariage de Mlle de Blois (17 février 1692), ni à celui de son fils le duc du Maine avec la princesse de Condé (18 mars).
Réconciliée avec Dieu
Françoise renonça à la coquetterie et aux vanités mondaines sous la ferme direction d’un prêtre oratorien. Adoptant une vie simple, elle se livra à d’humbles travaux de couture, à la méditation et à la prière. Sa conversation garda toutefois son attrait et elle conservait naturellement « cet air de grandeur, de domination, de majesté 144 » qu’on lui avait connu à la cour. Vieillie, grossie, la figure rouge et ridée, les cheveux blancs, elle souffrait de suffocations et d’évanouissements. Fort affectée du décès de Monsieur (9 juin 1701), elle essayait de se préparer à une fin chrétienne. Son confesseur lui ordonna d’implorer le pardon de son mari ; ravalant sa fierté, elle obéit et lui proposa de reprendre la vie conjugale. M. de Montespan refusa de revoir son épouse. En revanche, il la nomma dans son testament exécutrice de ses dernières volontés (23 octobre 1701). Il l’aimait toujours et lui avait pardonné sa trahison. Il mourut six semaines plus tard.
Françoise se retira au château d’Oiron 145 , qu’elle avait acheté en 1700. Elle y réinstalla l’hospice de la Sainte-Famille en novembre 1703. Ses capacités et son sens pratique rendirent les plus grands services à la fondation. Elle eut le sentiment de travailler à la rémission de ses péchés et redoubla d’efforts spirituels, aidée par sa sœur Gabrielle, abbesse de Fontevrault. Dès 1704, elle s’astreignit au port d’un cilice. Pensa-t-elle à Louise de La Vallière, dont la conversion l’avait tant marquée, lorsqu’elle écrivit ces lignes empreintes de spiritualité : « Cherchons Dieu pendant qu’il peut être trouvé, de peur de le chercher inutilement à la fin d’une vie, dont le terme ne saurait être long, et craignons de mourir dans notre péché et dans nos désordres » ? Elle déplora la réduction de sa pension de 12 000 louis à 4 000 146 à cause des dépenses de la guerre de Succession d’Espagne : « Les pauvres y perdront plus que moi » (janvier 1707).
Victime d’une attaque d’apoplexie durant une cure à Bourbon 147 , le 22 mai 1707, Françoise de Montespan mourut le 27. Le roi ne manifesta aucune émotion. Seule Mme de Maintenon la pleura : « Cette personne-là n’a pu m’être indifférente en aucun moment de ma vie 148 . » Transféré à Poitiers, son corps fut inhumé dans l’église des Cordeliers ; la tombe fut profanée sous la Révolution.
Femme la plus aimée du Roi-Soleil, et aussi la plus calomniée, Françoise de Montespan est indissociable du Grand Siècle. Son « règne » mérite mieux que les absurdes légendes noires nées de l’affaire des Poisons.
ANNEXE
Molière, interprète des amours du roi ?
Le public ignorait la nature des relations du roi et de Mme de Montespan. En 1668, Molière plaça une réplique dans son Amphytrion, qui prenait un tour burlesque au moment où le marquis de Montespan revenait à Paris :
Un partage avec Jupiter
N’a rien du tout qui déshonore.
On a prétendu que Molière, ami du roi,
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