Favorites et dames de coeur
excès d’embonpoint l’obligea à prendre les eaux, tandis que le roi la trompait avec Mme de Ludres 138 . La passade aiguisa la féroce jalousie de Françoise, qui surnomma sa rivale « le haillon » (1676-1677).
Françoise, les artistes et les œuvres
Mme de Montespan n’était pas une poupée mondaine et frivole. Femme de goût et d’esprit, elle aida les artistes du Grand Siècle. Elle protégea Michel Lambert, maître de musique de la chambre du roi, son gendre Lully, et le librettiste Quinault. Historiographes du roi depuis 1677, Racine et Boileau lui lisaient régulièrement leurs récits en présence du souverain. Spirituelle, volontiers moqueuse, elle appréciait les comédies et l’humour de Molière. La Fontaine lui dédia le livre VII de ses célèbres Fables.
Bienfaitrice des pauvres, Françoise aida dès 1671 la communauté des filles de Saint-Joseph, qui élevait des orphelines. Les administrateurs la reconnurent fondatrice de cet institut en 1681. Elle en fit un atelier de broderie de si grande qualité qu’il reçut des commandes du garde-meuble royal. Elle fonda aussi un hôpital de vieillards et un pensionnat de jeunes filles à Saint-Germain-en-Laye (1678-1681), un hôpital pour orphelines à Fontainebleau (1686). L’œuvre de sa vie resta néanmoins l’hospice de la Sainte-Famille, créé à Fontevrault le 8 avril 1693 : confié aux sœurs de la Charité, il accueillait cent indigents. En 1704, Françoise fixa de nouveaux statuts, rédigea un règlement intérieur, et dota l’hospice de 110 000 livres ; la direction spirituelle échut à l’évêque de Poitiers. Par lettres patentes, le roi confirma la fondation (mai 1705). L’œuvre survécut à sa créatrice : quoique modifiée, elle existe toujours aujourd’hui.
Le lent déclin
Françoise atteignit son zénith lorsqu’elle triompha de Mme de Ludres (juin 1677). Malgré les scènes de jalousie parfois publiques qu’elle lui infligeait, Louis XIV l’aimait avec passion : « Jamais on n’a vu d’empire plus établi », écrivit Mme de Sévigné (2 juillet 1677). Le roi lui donnait d’exceptionnelles marques de faveur, qu’il n’avait jamais accordées à quiconque : « Mme de Montespan était l’autre jour toute couverte de diamants ; on ne pouvait soutenir l’éclat d’une si brillante divinité », ajouta Mme de Sévigné (30 juillet). La liaison n’eut aucune incidence sur la vie politique, Louis XIV séparant avec soin ses affaires privées des questions d’État.
La marquise accoucha d’un ultime bâtard, mais le roi s’en déprit physiquement après la naissance (6 juin 1678) et la délaissa au profit de Mlle de Scorailles : « La violence de la passion du roi pour Mme de Montespan n’est plus rien 139 »(1679). Françoise s’offusqua de ce que le père de La Chaize fermât benoîtement les yeux sur la liaison de son royal pénitent avec Mlle de Scorailles, quand il avait condamné vertueusement la sienne trois ou quatre ans plus tôt : « Ce père de La Chaize est une vraie chaise de commodité ! » Elle feignit l’amitié avec Mlle de Scorailles, simulacre déjà utilisé du temps de Louise de La Vallière ; elles assistaient ensemble à la messe du roi, « levant les yeux en extase, comme des saintes 140 ».
En guise de consolation, Louis XIV racheta la charge de surintendante de la reine pour 600 000 livres et l’offrit à Françoise. Elle espéra le tabouret 141 , mais l’opposition inattendue de son mari à une telle promotion la maintint à un rang inférieur aux duchesses, situation délicate dans l’exercice de ses fonctions. Le roi la nomma alors chef du conseil de la reine, poste lui attribuant des prérogatives identiques au tabouret et 15 000 livres de pension. Las ! elle apprit avec colère que Mlle de Scorailles avait reçu le titre ducal si convoité : « Le roi a trois maîtresses : moi de nom, cette fille [Mlle de Scorailles] de fait et vous de cœur », dit-elle à Mme de Maintenon (avril 1680).
Ce qui embarrassait son esprit lui pesait aussi sur le corps. Il n’y a rien de plus triste qu’une femme délaissée, quand elle a été beaucoup aimée. Le roi l’évitait. Grossie, enlaidie, l’impérieuse Athénaïs assista dépitée au triomphe de Mme de Maintenon, son ancienne subordonnée, restée belle bien qu’elle eût cinq ans de plus qu’elle (1683). Mme de Montespan s’occupa de l’avenir de ses enfants : la
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