FBI
la moindre piste, interrogent plus d’un millier de témoins, recrutent des dizaines d’informateurs qui prennent un malin plaisir à les envoyer sur de fausses pistes. « Ici, le Klan règne en maître, tout le monde fait partie du Klan dans sa tête », constate, désabusé, Joe Sullivan. Mais la chance tourne. Des informateurs commencent à fournir des indications valables. Tous appartiennent à la klavern 2 de Lauderdale County (Meridian) ; ils sont beaucoup plus bavards que leurs frères d’armes de Neshoba County (Philadelphia). « Si la klavern de Neshoba avait fait le coup, les tueurs s’en seraient sortis », admettra Joe Sullivan.
Voici ce que John Proctor et Joe Sullivan apprennent. Après avoir été arrêtés par le shérif de Philadelphia, les trois jeunes militants ont bien été relâchés au soir du 21 juin 1964. Ils ont quitté la ville à bord de leur voiture. Mais ils ont à nouveau été arrêtés par le shérif-adjoint, Cecil Price. Cette fois, au lieu de les ramener en prison, le shérif-adjoint les a remis à dix-neuf hommes du Klan, supervisés par le shérif de Philadelphia. Les trois jeunes gens sont alors poussés dans une voiture qui démarre, suivie par les autres véhicules. Le cortège s’arrête deux kilomètres plus loin, en rase campagne. C’est là que les trois militants sont assassinés par balles.
John Proctor étudie les dossiers des dix-neuf hommes et son choix se porte sur le maillon faible de l’équipe de tueurs. Il s’appelle James Jordon, il travaille dans un motel et gère aussi un boui-boui où l’on sert des boissons alcoolisées issues des alambics des bouilleurs de cru locaux. James Jordon est un marginal. Même au sein de la klavern . Lors du triple assassinat, il a supplié ses frères d’armes de lui en « garder un ». Déception : il ne restait plus que le militant noir à tuer. Il lui a tiré dans le ventre avant de crier : « Vous ne m’avez laissé qu’un nègre, mais au moins je me suis fait un nègre ! »
John Proctor retrouve James Jordon à Gulfport, non loin de La Nouvelle-Orléans, où il travaille désormais comme surveillant sur un site de missiles. Jordon est nerveux, mais a envie de parler. L’agent du FBI le sent. Il alterne promesses et menaces. Il lui offre 3 500 dollars en échange de son témoignage. Jordon, qui a des soucis financiers, hésite. Proctor menace de le jeter en prison pour longtemps. Jordon a peur. Puis Proctor le rassure et promet de mettre en scène son arrestation de sorte que ses frères d’armes n’aient pas de soupçons. L’agent du FBI abat alors sa carte maîtresse : le Bureau sait tout de lui, à commencer par son numéro secret à l’intérieur du Klan (le 12).
James Jordon craque et reconnaît avoir fait partie du commando. Finalement, après cinq jours d’interrogatoires, il accepte de témoigner contre les autres tueurs du Klan. Dans la foulée, le FBI arrête dix-huit personnes, dont le shérif Lawrence Rainey, son adjoint, Cecil Price, et le « Grand Sorcier impérial » du Klan, Samuel Bowers. Reste à les déférer devant les tribunaux : la marge de manœuvre du FBI est très étroite. Le Bureau subit un premier revers quand un juge local ordonne un non-lieu en faveur des dix-neuf tueurs. Le Département de la Justice reprend le dossier. Il ne peut entamer de poursuites pour assassinats : c’est du ressort des tribunaux de l’État du Mississippi. Pour renvoyer les dix-neuf suspects devant une cour fédérale, le Département les accuse d’avoir conspiré en vue de priver les trois militants de leurs droits civiques.
Trois ans, deux mois et cinq jours après la découverte des trois cadavres, un tribunal prononce les condamnations. Le FBI est déçu : seuls huit des inculpés sont condamnés à des peines comprises entre trois et dix ans.
L’ASAC Neil Welch arrive à Jackson au lendemain de l’inauguration du Bureau par J. Edgar Hoover. Il est venu de Tampa à bord de sa petite Coccinelle Volkswagen qu’il a garée dans la grand-rue, au pied du bâtiment qui abrite le FBI. Dans la voiture, il y a une petite valise et un gros carton contenant ce qu’il a baptisé non sans humour son « kit d’ouverture d’un bureau du FBI » : tampons, papier à en-tête, formulaires, trombones et agrafeuses. Neil Welch a pris la valise et le gros carton avant de se diriger vers l’entrée du bâtiment du Federal Saving and Loan. Au sol, il remarque des flaques de
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