FBI

de rage qui pointe un fusil de chasse dans leur direction. Les deux agents se consultent du regard. Si l’homme du Klan tire, ils n’ont aucune chance de s’en sortir. L’homme n’a pas le temps d’ouvrir le feu : les deux agents font chacun un pas de côté en dégainant leur arme.
    « On est deux, dit James O. Ingram. On ne va sûrement pas tourner les talons et vous permettre de nous tirer dans le dos. Vous pouvez tuer l’un d’entre nous, mais l’autre vous tuera. Choisissez !
    – Quittez ma propriété ! » ordonne l’homme du Klan.
    Les deux agents s’écartent un peu plus l’un de l’autre.
    « Pas avant que nous n’ayez déposé votre arme. Si vous ne le faites pas, nous serons obligés de vous tuer. C’est notre boulot. On a été entraînés spécialement pour ça. »
    La femme et les enfants de l’homme sortent. Elle crie, ils pleurent. L’homme du Klan ne baisse pas son arme. « Merde, il va falloir l’abattre devant sa famille ! » se dit Ingram.
    Au même moment, une voiture arrive : c’est le frère. La scène tourne au conseil de famille, à l’issue duquel l’homme du Klan dépose son arme. Les agents du FBI rengainent les leurs. L’interrogatoire peut avoir lieu.
    En les raccompagnant sur le perron, le frère les remercie de ne pas avoir ouvert le feu. « Vous étiez en droit de le faire, et personne ne vous aurait rien dit, même si ça s’était passé devant les enfants. » Puis, avant de prendre congé, il ajoute : « Vous savez, à l’intérieur du Klan, tout le monde respecte mon frère, c’est le plus grand fils de pute du comté ! » Ça, les deux agents n’en doutaient pas un seul instant…
     
    James Ingram et ses hommes entament leur travail de sape dès juillet 1964, deux mois avant que J. Edgar Hoover n’envoie à tous les bureaux du Sud l’ordre de déchaîner « Cointelpro » contre toutes les organisations affiliées au Ku Klux Klan. Ils répandent la rumeur que le trésorier d’une klavern locale tape dans la caisse. L’homme disparaît sans demander son reste. C’est le FBI qui rédige, puis envoie aux hommes du Klan, des lettres de menaces portant l’empreinte de la Mafia. Arrestations abusives, filatures en tous genres, harcèlement : rien n’arrête le FBI. Et si ça ne suffit pas, on a recours à l’arme fatale : les ragots.
    Par les écoutes, les agents du FBI sont au courant de la vie privée des dirigeants des klaverns . Ils savent qui couche avec qui. Ayant découvert que certains responsables du Klan ont des aventures avec les épouses de leurs subalternes, ils se font un malin plaisir de faire circuler l’information. Et la fièvre monte à l’intérieur du Klan.
    James Ingram et ses hommes vont ensuite trouver les épouses des hommes du Klan, la nuit venue, quand elles croient leurs maris « au travail » : « On leur disait qu’on savait où étaient leurs maris, qu’on les surveillait, et qu’ils étaient avec une autre. Et ça marchait ! On n’avait même pas besoin d’inventer des histoires. Soudain, les femmes nous aidaient, plus particulièrement les ex-épouses. Elles nous racontaient tout. »
    La Mafia à la rescousse
    Quand les femmes ne suffisent pas, le FBI dispose d’autres armes. L’Agent spécial du bureau de New York Anthony Villano, que l’on a vu faire ses premiers pas lors de l’éxécution des époux Rosenberg, manipule un informateur qui fait partie de la famille mafieuse des Colombo. Il s’appelle Greg Scarpa, c’est un caporegime , il commande une dizaine de « soldats ». Il donne dans les jeux clandestins, le prêt usuraire et le meurtre. Tout à fait l’homme de la situation, estime le FBI qui l’envoie en renfort dans le Mississippi. Sa mission : retrouver l’homme qui a tué Medgar Evers, le secrétaire de la NAACP pour le Mississippi, le 12 juin 1964. Le FBI a un suspect : un marchand d’électroménager de Jackson, membre du White Citizen Council. Greg Scarpa décide donc d’aller lui acheter un poste de télévision. Le caporegime débarque dans la boutique à l’heure de la fermeture, il achète son poste et demande au propriétaire de l’aider à le charger dans sa voiture. Quelques minutes plus tard, l’homme bâillonné, menotté et aveuglé par un bandeau est dans le coffre d’une automobile qui prend la direction du bayou de la proche Louisiane. Le véhicule s’arrête devant une cabane isolée. Sans mot dire, des agents du FBI extraient le