FBI
sang et une trace qu’il suit jusqu’à l’intérieur de l’immeuble, puis dans l’ascenseur. La trace est fraîche, le sol est rougi par le sang. La trace reprend à l’étage du Bureau, elle mène à la réception et s’arrête aux pieds de trois hommes noirs. Jamais Neil Welch n’avait vu pareil spectacle : les trois hommes sont debout, des flots de sang coulant de leurs plaies. Un agent du FBI étale des feuilles de papier journal en disant : « Une moquette toute neuve… » Pendant ce temps, un autre agent prend leurs dépositions.
Les trois hommes sont des leaders de la communauté noire. Neil Welch reconnaît un nom, celui de James Foreman. Ils allaient entrer dans l’immeuble du Bureau quand une dizaine d’hommes du Ku Klux Klan, armés de battes de base-ball, leur sont tombés dessus. Neil Welch les a manqués de quelques minutes.
La standardiste vient juste de débarquer de Washington. Elle est en état de choc et Neil Welch doit lui répéter à plusieurs reprises qu’il est attendu par le SAC. Quelques minutes après, l’ASAC est déjà au travail. Il ne s’arrêtera que trois jours plus tard pour prendre enfin le temps de s’enregistrer à son hôtel.
Les horaires de travail des agents en poste au Mississippi relèvent des cadences infernales. Le SAC Roy K. Moore attend de ses agents qu’ils travaillent six jours et demi par semaine La demi-journée restante, c’est le dimanche matin : ils doivent aller à la messe. Les capots de leurs voitures se ferment par des loquets extérieurs. Avant de s’installer au volant, ils inspectent la calandre et le moteur afin de s’assurer qu’il n’y a pas de bombe. Enfin, ils regardent à l’intérieur avant de s’asseoir, un de leurs collègues ayant trouvé des serpents à sonnette dans sa voiture ! J. Edgar Hoover a décrété que la place des agents était dans la rue, pas dans leurs véhicules. Les agents n’ont pas le droit au confort dans leurs voitures, ils n’ont donc ni climatisation ni autoradio.
Sur le bureau du SAC, il y a un téléphone relié directement à la Maison-Blanche. Le président Johnson suit personnellement l’évolution de la situation. Quand il a proposé d’envoyer l’armée rétablir l’ordre dans l’État du Mississippi, le SAC Roy K. Moore lui a demandé trente jours pour régler le problème. « La Maison-Blanche ne voulait pas attendre aussi longtemps ; ils voulaient de l’action, et vite ! explique Neil Welch. Roy les a convaincus de nous accorder un peu de temps pour stopper les raids nocturnes du Ku Klux Klan, les attentats contre les églises, les lynchages, les cadavres repêchés dans les rivières. »
« Cointelpro », les débuts
En juin 1964, le Procureur général Robert Kennedy envoie des inspecteurs dans le Sud afin de mettre au point une nouvelle stratégie face au Klan. Leurs conclusions sont radicales : le Bureau doit appliquer au Klan les mêmes techniques que celles employées dans les années 1950 face au Parti communiste. Conduites aux limites de la légalité, ces techniques font partie du programme « Cointelpro » (Counter Intelligence Program), un des secrets les mieux gardés du Bureau qui a pour but d’interrompre « par tous les moyens » les activités de groupes politiques jugés subversifs ou dangereux. « Tous les moyens » : c’est, entre autres, l’infiltration, les cambriolages, les écoutes sauvages, et surtout la désinformation. Les agents de « Cointelpro » savent manipuler leurs cibles, les dresser les unes contre les autres, donner corps aux accusations les plus invraisemblables. Rumeurs, lettres anonymes, provocations, arrestations injustifiées, articles diffamatoires, rien ne les arrête.
L’opération « Cointelpro » a été lancée en 1956 par William C. Sullivan (aucun lien de parenté avec Joe Sullivan). Hoover apprécie l’anticommunisme virulent de cet homme qui ne cache pas ses sympathies démocrates. Il en fait un de ses favoris et le nomme à la tête de la section « Domestic Intelligence », véritable État dans l’État, qui s’occupe aussi bien du contre-espionnage que de la lutte contre l’« ennemi de l’intérieur ». William Sullivan est alors un des hommes les plus puissants du Bureau. En juillet 1964, il hérite de la lutte contre le Ku Klux Klan et les autres groupes porteurs de « haine », lutte qui dépendait jusque-là de la division des Enquêtes générales (General Investigative
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